Le principe de Peter (1)

Publié le par Bernard Sady

Comme la plupart des cadres, j'avais entendu parler du principe de Peter au détour d'une des nombreuses formations au management auxquelles j'ai participé.

J'avais compris qu'un employé était atteint de ce syndrome lorsqu'il était arrivé à un poste dans lequel il était manifestement incompétent... Pour moi, c'était statique : on était atteint ou non de ce syndrome. C'était un peu l'équivalent du syndrome du "petit chef" pour les managers.



Mais j'ai découvert, il y a peu, le petit livre de L. J. Peter et R. Hull, "Le principe de Peter". En 150 pages, tout est expliqué sur ce principe et ses conséquences.

Et c'est une toute autre vision de ce principe que ce livre présente.



L'ouvrage date de 1969 et a été écrit par R. Hull agissant en "porte-plume" de Laurence J. Peter.


C'est ce que Hull explique dans l'avant-propos : sa rencontre avec L.J. Peter qui n'avait pas le temps d'écrire et l'acceptation par ce dernier pour une collaboration dans le but de publier un livre.


La conclusion de cet avant-propos met l'eau à la bouche : j'ai dévoré le livre le temps d'un aller Paris - Bucarest...

« Voici donc Le Principe du professeur Peter, la découverte sociale et psychologique la plus pénétrante et la plus importante du siècle.

« Oserez-vous la lire ?

« Oserez-vous apprendre, dans une révélation brutale, pourquoi les écoles ne dispensent pas la sagesse, pourquoi les gouvernements ne peuvent maintenir l'ordre, pourquoi les tribunaux ne rendent pas justice, pourquoi la prospérité n'apporte pas le bonheur, pourquoi les projets utopiques n'aboutissent jamais à des utopies ?

« Ne prenez pas votre décision à la légère. La décision de lire est irrévocable. Si vous lisez, vous ne pourrez jamais retrouver votre état actuel de bienheureuse ignorance, jamais vous ne pourrez vénérer aveuglément vos supérieurs, ni dominer vos inférieurs. Jamais ! Le Principe de Peter, une fois connu, ne peut être oublié. »

Cela donne envie de lire, n'est-ce pas ? Même si le style ressemble à un bon coup marketing...



Alors allons-y. Attention, ça va décoiffer...

Dès le premier chapitre, Hull donne la définition du Principe de Peter. Mais avant, il explique l'origine des recherches de Peter : le fait que « l'incompétence dans le travail se constate partout. » 

Et après que Peter ait étudié des « centaines de cas d'incompétences dans le travail », il a formulé ainsi le  "Principe de Peter" : « Dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s'élever à son niveau d'incompétence ». 


Ce principe est donc dynamique. C'est en s'élevant dans la hiérarchie que l'employé arrive au niveau où il devient complètement incompétent. Et cela semble inéluctable. Il y aurait une sorte de force qui pousserait chaque employé à monter toujours plus haut... jusqu'à ce qu'il atteigne son niveau d'incompétence.



Et Peter découvre alors une nouvelle science, la "hiérarchologie", ou « étude des hiérarchies ». Et il précise : « mon principe est la clef d'une compréhension de tous les systèmes hiérarchiques et, par conséquent, de toutes les structures de la civilisation. »

Ni plus ni moins... Nous verrons plus loin que ce principe, s'il peut expliquer beaucoup de phénomènes d'incompétence, n'est quand même pas l'explication ultime de ce qui se passe dans toute hiérarchie. Mais l'approche reste très intéressante.

Continuons.



A la suite de son principe, Peter émet de suite un corollaire : « Avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d'en assumer la responsabilité ». Mais heureusement, tout le monde n'atteint pas son niveau d'incompétence en même temps et « le travail continue », « accompli par les employés qui n'ont pas encore atteint leur niveau d'incompétence »...  Ce n'est pas très réjouissant...



Ensuite, Peter défini trois classes d'employés : les compétents, les modérément compétents et les incompétents. La répartition serait gaussienne avec une majorité de "modérément compétents". Plus loin, il rajoutera deux classes : les super-compétents et les super-incompétents aux deux extrémités de la courbe.


Pour Peter, les compétents sont remarqués de leurs chefs et bénéficient d'une promotion... jusqu'à ce qu'ils atteignent leur "dernier poste", ce que Peter nomme le "syndrome du dernier poste"... Dans ce dernier poste, les employés ont atteint leur niveau d'incompétence et ne font plus de travail utile. (C'est souvent ce syndrome du dernier poste qui est confondu avec le Principe de Peter. C'était du moins ma confusion...)


Ce serait cette machine infernale qui règlerait toute progression dans la hiérarchie.



Mais, après avoir défini la classe des modérément compétents, Peter semble l'oublier et fait passer directement les compétents dans la classe des incompétents en sautant la case "modérément compétent"...


En effet, après une promotion, il y a bien trois possibilités :

  •      rester compétent et mériter une nouvelle promotion,
  •      devenir incompétent et rester dans son "dernier poste", tout en ne faisant aucun travail utile
  •      ou alors devenir modérément compétent, rester à ce poste qui devient également le "dernier poste", tout en faisant un travail utile.


Le travail est donc fait par deux catégories d'employés, les compétents en attente d'une future promotion et ceux qui sont "modérément compétents"...


C'est ici que le principe de Peter a ses limites, car c'est surtout l'armée des "modérément compétents" qui fait le travail. Et ces "modérément compétents" n'ont aucune chance d'être remarqués et donc promus. Ils resteront à leur place. C'est pour cela que les organisations tournent tant bien que mal.


Il n'en reste pas moins qu'il y a nombre de personnes dans les différents niveaux hiérarchiques qui ont atteint leur "dernier poste" pour incompétence. Et c'est là, la force du principe de Peter.



Voyons maintenant le cas des extrêmes : les super compétents et les super incompétents. En fait, ils déplaisent tous les deux et sont inéluctablement éliminés. La raison d'après Peter est qu'ils « bouleversent la hiérarchie ».

Cela se comprend aisément des super-incompétents, qui contrairement aux simples incompétents, font perdre du temps, de l'argent et des clients à l'entreprise... Alors que les incompétents se contentent d'exister...

Quant aux super-compétents, ils ne respectent pas toujours les règles, ni les différents niveaux hiérarchiques et cela, les hiérarchies le pardonnent rarement.



Nous verrons dans un prochain billet les symptômes qui permettent de détecter les personnes atteintes du "syndrome du dernier poste".

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P
Bon article au moment même où cotoyant la fonction publique je m'intéresse à ce phénoméne !<br /> <br /> Le probléme de notre fonction publique n'est pas la masse des fonctionaires en eux même mais bien une certaine imcompétence de la hierarchie ayant dynamiquement atteint le principe de Peter.
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B
<br /> Je ne connais pas très bien le monde de l'administration, mais il me semble qu'effectivement, on doit trouver pas mal de personnes atteintes du syndrome du dernier poste...<br /> <br /> <br />