Stress au travail – les solutions (1) : organisation

Publié le par Bernard Sady

Deux rapports récents proposent des mesures pour améliorer les conditions psychologiques du travail et lutter contre le mauvais stress.

 

Le premier rapport « Bien-être et efficacité au travail » date de février 2010. Il a été remis au premier ministre le 17 février et a été rédigé par 3 personnalités du monde de l’entreprise. J’en ai parlé dans ce billet.

 

Le second rapport est la « Note d’étape intermédiaire » de Technologia concernant la crise sociale chez France Télécom et remis à la direction le 8 mars dernier.

 

Il est intéressant d'associer ces deux rapports qui arrivent aux mêmes conclusions.

 

Je vais donc commencer une série de billets sur les moyens de lutter contre le stress au travail à partir de ces rapports. C’est important pour tout manager confronté au stress dans son entreprise et chez ses collaborateurs.

 

Je regrouperai mes commentaires selon les thèmes abordés.


 

Premier thème : organisation de l’entreprise.

 

Ce thème doit être traité en premier, car comme le disaient Pfeffer et Sutton dans « Faits et foutaises dans le management », « la loi des systèmes foireux est plus forte que la loi des nazes ». Autrement dit, la structure et l’organisation d’une entreprise ont beaucoup plus d’importance que les qualités ou défauts des individus.

 


Facteurs liés à l’organisation du travail favorisant le stress au travail.

 

Les deux textes mettent en cause certaines formes d’organisation dans la souffrance au travail.


Les auteurs de “Bien-être et efficacité au travail” retenaient « 11 grandes “familles” de facteurs de stress ».


Parmi celles-ci, il y en a deux qui concernent l’organisation de l’entreprise :

- « la fréquence accrue des réorganisations, restructurations et changements de périmètre des entreprises, qui impactent tout ou partie de l’organisation et modifient parfois brutalement les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur activité ;

- « le développement des organisations matricielles et du reporting permanent, ainsi que certains comportements managériaux, qui contribuent au sentiment de perte d’autonomie, d’efficacité et d’utilité des équipes. »

 

Dans le texte de Technologia, la première fiche est consacrée à l’organisation de l’entreprise. Les facteurs de stress relevés chez France Télécom peuvent se retrouver ailleurs (j’ai sélectionné ceux qui me semblent les plus significatifs) :

- « Complexité, voire opacité de l’organisation matricielle

- « Manque d’autonomie et de responsabilité dans la prise de décision par les hiérarchies intermédiaires

- « Sentiment de déconnection entre la hiérarchie et le terrain

- « Nombreuses réorganisations sans raison d’être pour les salariés

- « Mode de fonctionnement “bureaucratique” au sens archaïque du terme »

 

Au premier rang vient l’organisation matricielle. Cette forme d’organisation a été à la mode dans les années 90. Elle le reste encore dans quelques grands groupes, mais elle est de plus en plus remise en cause. J’avais fait un billet à ce sujet il y a plusieurs mois. Je n’ai rien à y ajouter. C’est la première chose à faire si on veut lutter sérieusement contre le stress : abandonner l’organisation matricielle.

 

A second rang, on trouve les réorganisations fréquentes et inutiles. J’ai abordé également ce thème dans une série de billets sur le changement.

 

Ensuite, on trouvera le mode de fonctionnement “bureaucratique”, sans délégation et avec la hiérarchie coupée du terrain. Ce type d’organisation est fréquent dans les grandes entreprises ou dans les grosses PME. C’est souvent la personnalité du patron qui est à l’origine de ce mode, qui se diffuse au point d’être au cœur même de la culture de l’entreprise.

 

Il manque certainement quelques autres points liés à l’organisation comme la conception des bureaux en open space. Aucun de ces deux rapports n’aborde la question. C’est dommage.

 


Préconisations des auteurs des deux rapports.

 

“Bien-être et efficacité au travail” ne préconise pas une forme d’organisation particulière, mais met la direction générale en première ligne :

« L’implication de la direction générale et de son conseil d’administration est indispensable : l’évaluation de la performance doit intégrer le facteur humain, et donc la santé des salariés. » 

 

C’est très bien vu, car c’est la direction générale qui est responsable de la structure et de l’organisation de l’entreprise.

 

Le rapport “Technologia”, de son côté est plus précis et consacre 11 de ses 107 préconisations à l’organisation.


La première préconisation est directement liée à la situation de France Télécom et réclame un moratoire sur les réorganisations.


Les 5 suivantes, très étonnantes, concernent la place des salariés dans l’entreprise. Je cite :

- « Clarifier pour chaque salarié sa place dans l’organisation

- « Repositionner les salariés dans l’entreprise à travers une enquête basée sur deux questions simples ce qui permettrait d’obtenir une photographie de l’organisation réelle :

· Q1 : « Mentionnez le nom de votre responsable hiérarchique direct »

· Q2 : « Mentionnez le nom du service auquel vous appartenez »

- « Etablir une cartographie des collaborateurs de FT en fonction des réponses au questionnaire interne (en précisant ceux qui connaissent leur responsable direct, ceux qui en mentionnent plusieurs et ceux qui ne savent pas). Faire de même pour le service de rattachement.

- « Rattacher très rapidement chaque collaborateur de FT à un responsable hiérarchique direct connu ainsi qu’à un service exact dont il dépend hiérarchiquement et non fonctionnellement. »

 

Il est effectivement étonnant que Technologia insiste de manière aussi marquée sur le fait que chacun connaisse sa place dans l’entreprise. Ce qui tend à vouloir dire que de nombreux salariés de France Télécom ne savent pas qui est leur chef…


C’est pourtant le B-A BA du management…


Il ne me semble pas avoir rencontré ce phénomène avec une telle ampleur dans une entreprise… Mais c’est quand même à vérifier. Si vous avez un doute sur ce point dans votre entreprise, les deux questions simples que propose Technologia sont à utiliser.

 

Les préconisations suivantes concernent la hiérarchie :

- « Simplifier l’organisation et réduire les niveaux hiérarchiques de FT en France. Cibler le niveau exact de management décisionnel de proximité.

- « Favoriser la proximité géographique des supérieurs hiérarchiques et des collaborateurs.

- « Mener une étude approfondie sur les marges de manoeuvre organisationnelle et managériale laissées par les contrats de travail initiaux afin de réduire le risque (par exemple : quid de l’Entretien Individuel pour un salarié FT quand son manager à un contrat Orange)

- « Transformer les Directions métiers en véritables centres de ressources et d’harmonisation des pratiques dans un mouvement Down/Top/Down avec les Directions territoriales (aspect de décision et de moyens à mobiliser, voir fiche ultérieure)

- « Clarifier et revoir l’équilibre et le mode de fonctionnement entre la Direction centrale et territoriale

- « Laisser davantage d’autonomie et de marge de manoeuvre dans les prises de décision aux Directions Territoriales. Renforcement substantiel de l’autonomie de décision et des moyens à mobiliser pour répondre aux besoins du terrain. »

 

Deux points fondamentaux du management sont soulevés ici : d’abord la structure hiérarchique qui ne doit être ni trop légère, ni trop lourde, et ensuite le pouvoir de chaque niveau hiérarchique.

 

Concernant la structure hiérarchique, j’aime bien la formulation : « Cibler le niveau exact de management décisionnel de proximité ». Mais ce ciblage ne doit pas se faire uniquement sur le management de proximité, mais également sur l’ensemble de la chaîne hiérarchique.

Quant à la réduction du nombre de niveaux hiérarchiques, il faut être très prudent et le faire dans une période calme, car c’est très déstabilisateur pour tous. Et veiller au fait que chacun ait un chef qui ne soit pas trop lointain, comme noté dans les préconisations précédentes.

 

Concernant le pouvoir de cette hiérarchie, c’est tout le problème de la délégation qui est posé. Je ne peux qu’être pour la responsabilisation et l’autonomie des niveaux inférieurs. Mais le passage de la centralisation à la délégation est un processus long qui doit partir du haut. Vouloir aller trop vite dans la délégation peut être source de stress…

 

C’est important et j’y reviendrai.

Publié dans Stress au travail

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