Nue nevoulle fauitose ed puls...

Publié le par Bernard Sady

Cela fait la deuxième fois que je vois dans des blogs "sérieux" traitant du management, un texte composé de mots ayant des lettres mélangées. Il y a quelques variantes, mais l'objectif reste le même : démontrer que notre cerveau ne lit pas chaque lettre des mots, mais chaque mot comme un tout. Ce serait donc une démonstration de la valeur de la méthode globale et de l'inutilité de l'apprentissage de la lecture par la méthode syllabique.

 

Il s'agit du blog d'André Musard dans un article du 22 octobre dernier intitulé « A propos d'orthographe » :

" Sleon une édtue de L'uvinertisé de Cmabrigde, l'odrre des ltteers dnas un mto n'a pas d'ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate est que la pmeirère et la drenèire soeint à la bnnoe pclae. Le rsete peut êrte dnas un dsérorde ttoal et vuos puoevz tujoruos lrie snas porlbème. C'est prace que le creaveu hmauin ne lit pas chuaqe ltetre elle-mmêe,mias le mot cmome un tuot - Senol uen étdue ed al Srobnoen li fuat êrte cno cmoem nu agnlias poru cahgnre l'odrer dse ltertse dnas nu txeet ".

Et du blog de Laurent de Rauglaure dans l'article du 21 novembre 2008 : «  C'set tuot mlégané » :

"- is vuos pvueoz lrie ccei, vuos  aevz asusi nu dôrle de cvreeau. Puveoz-vuos lrie ceci? Seleuemnt 55  porsnenes sur cnet en snot cpalabes.Je n'en cyoaris pas mes yuex que je  sios cabaple de cdrpormenre ce que je liasis. Le povuoir phoémanénl du  crveeau huamin. Soeln une rcheerche fitae à l'Unievristé de Cmabridge, il  n'y a pas d'iromtpance sur l'odrre dnas luqeel les lerttes snot, la suele  cohse imotprante est que la priremère et la derènire letrte du mot siot à  la bnone palce. La raoisn est que le ceverau hmauin ne lit pas les mtos  par letrte mias ptuôlt cmome un tuot. Éontannt n'est-ce pas? Et moi qui ai  tujoours psneé que svaoir élpeer éatit ipomratnt! Si vuss poevuz le lrie,  fitaes le svirue !!!"

 

 

 « Mias non, Miessuers, la letcure des mtos dnot les letrtes snot palcées en dérsorde ne pourve pas que cuex-ci snot lus de mèanire golbale ! En ariffmnat clea, vuos aezv pirs un gors riquse car vous ne pievouz pas truover un meuiller expleme puor illsutrer le fiat que la letucre, même extpere, retse aphlabéquite ! »

C'est l'entrée en matière d'un long article du docteur Wettstein-Badour sur son blog, dénonçant cette « énormité ».
Je connais le Docteur Wettstein-Badour depuis de nombreuses années, par à son opposition à la "méthode globale".

 

C'est « quand une personnalité très importante du monde pédagogique s'est servi de textes de ce type pour écrire péremptoirement que le fait de pouvoir les lire "prouvait" le caractère global de la lecture experte », qu'elle a réagi.

 

Elle explique : « Je ne pouvais laisser passer une telle énormité puisque bien au contraire, la lecture de ces mots explicite clairement le travail de synthèse qu'effectue le cerveau pour comprendre le sens de l'écrit ! J'aurai pu utiliser les deux textes reproduits ci-dessous pour illustrer de manière concrète, dans mes publications antérieures, le fait que le cerveau part de la lecture de chaque lettre pour découvrir le sens des mots mais j'avoue que je n'y avais pas pensé. De toute manière, je n'aurais pas osé présenter de tels exemples. J'aurais craint que mes lecteurs pensent qu'un virus encore inconnu venait de s'abattre sur mes neurones surmenés. Cependant, puisque certains n'hésitent pas à utiliser une telle production comme "preuve" du bien fondé de leurs thèses, je ne résisterai pas non plus au plaisir de leur montrer en quoi ces fantaisies linguistiques prouvent très exactement le contraire de ce qu'ils affirment. »

 

Entrons dans son argumentation. Je vais résumer, car cet article est très détaillé et très approfondi. Pour ceux qui le souhaiteront, ils consulteront l'article du Docteur Wettstein-Badour avec profit.

Sa démonstration tient en trois points.

 

1. Le cerveau est incapable de traiter les mots comme des images et ne peut pas les photographier pour les reconnaître dans leur globalité.

Elle explique : « Nous savons désormais que le cerveau est capable, lorsqu'il reçoit des informations visuelles, de faire le tri entre celles-ci. Il sait différencier les mots (ou les idéogrammes) des images. Lorsqu'il comprend qu'un graphisme n'a pas d'autre signification que son lien avec un son, il conduit l'information analysée vers les structures de l'hémisphère gauche destinées à en découvrir le sens. Or, cet hémisphère travaille en pratiquant la synthèse des unités les plus simples et en comparant ces assemblages aux éléments dont il dispose dans sa mémoire. Mais jamais l'hémisphère gauche n'appréhende globalement les formes qui lui sont proposées. Sa nature physiologique ne le lui permet pas. L'affirmation que les mots sont abordés dans leur globalité est un non sens neurologique. Mais, même si on admettait cette hypothèse, comment ceux qui prétendent que les mots sont reconnus globalement sous leur forme orthographique peuvent ils expliquer que ceux qui n'ont jamais été rencontrés sous cette forme graphique puissent être "reconnus" ? Personnellement je serai curieuse d'obtenir une réponse à cette question. »

Et voici l'explication de ce qui nous permet  de lire un texte avec des lettres en désordre dans les mots : « Il n'y a pas besoin d'avoir des connaissances approfondies sur le fonctionnement cérébral pour comprendre que s'il y a une possibilité d'identification des mots ainsi présentés, c'est parce qu'il s'opère un travail de synthèse qui permet par une série d'essais successifs de réorganiser l'ordre des lettres pour découvrir un mot connu qui contienne tous les éléments graphiques identifiés. »

 

Approfondissons l'argumentation : « Il est bon de rappeler ici que lorsqu'il y a, chez le lecteur expert, une mémorisation de la forme orthographique d'un mot, celle-ci n'est utilisable que lorsque toutes ses composantes graphiques ont été analysées. [...]Rappelons simplement ici que la lecture, qu'elle soit débutante ou experte, nécessite une succession de mécanismes d'analyse commencée dans les récepteurs sensoriels et une synthèse de ces éléments par l'hémisphère gauche pour accéder au sens du texte. Ce type de travail est totalement opposé à celui qu'effectue l'hémisphère droit qui peut, quant à lui, mémoriser des images dans leur entier et traite les informations visuelles de manière analogique. Il est indispensable de connaître les conséquences de la spécificité du travail de chaque hémisphère pour comprendre les diverses opérations qui entrent dans la lecture. Quelle que soit la langue, qu'il s'agisse d'un débutant ou d'un lecteur expert, la lecture nécessite la découverte de la correspondance des éléments de base de l'écrit, les graphèmes dans les langues alphabétiques (lettre, ou groupe de lettres) avec les sons qu'ils représentent (les phonèmes). »

 

2. Les caractéristiques de la vision rapprochée sont telles que les meilleurs lecteurs sont ceux qui identifient une par une les lettres contenues dans les mots.

Après des explications très techniques sur « la neurologie du langage écrit et la vision rapprochée utilisée dans la lecture », elle conclut cette seconde partie : « De nombreux travaux ont montré que, contrairement à ce qui est trop souvent affirmé, les meilleurs lecteurs sont ceux qui font très peu appel au contexte rapproché et aux hypothèses de lecture. Ils n'essaient pas de "prédire" la suite du texte ou de "reconnaître" les mots mais ils traitent le texte lettre après lettre en faisant porter tout l'effort sur l'identification de la forme de chaque signe graphique. Ces études ont révélé que les meilleurs lecteurs (ceux qui lisent le plus rapidement en comprenant le sens de leur lecture) sont ceux qui sont capables d'identifier le plus rapidement de très petites variations de formes dans un mot et donc d'optimiser l'usage de leur fovéa.

 

3. La compréhension du sens des mots résulte d'un assemblage lettre à lettre de chacun des signes graphiques qui les composent et d'une comparaison de ces éléments synthétisés avec ceux qui sont présents dans les différentes mémoires dont le cerveau dispose.

Je cite longuement le Docteur Wettstein-Badour car elle explique parfaitement comment se fait le phénomène de la compréhension d'un texte :

« La synthèse des travaux effectués sur ce sujet permet d'avoir une vision assez précise de la manière dont le lecteur passe de la compréhension du lien entre graphèmes et phonèmes à la découverte du sens des mots.
La compréhension d'un texte nécessite à la fois :
- d'intégrer les informations concernant les liens qui unissent les signes visuels aux sons qu'ils représentent ;
- de regrouper ces informations et de les comparer avec les souvenirs stockés en mémoire, qu'il s'agisse d'éléments phonologiques ou d'éléments mémorisés sous leur forme orthographique ;
- d'utiliser le lexique du vocabulaire oral et écrit ;
- de faire intervenir dans la découverte du sens les connaissances grammaticales qui permettent d'arbitrer entre les différentes formes orthographiques des mots ;
- de permettre la fixation de l'attention et la mémorisation des éléments compris pour les intégrer dans des ensembles de plus en plus complexes afin de passer du lien phono-graphémique à la compréhension du mot, de la phrase et du texte.

 « La compréhension résulte des interactions permanentes entre les structures neuronales qui participent à la découverte du lien qui unit les graphèmes aux phonèmes et de celles qui participent à la découverte du sens des mots. Celles-ci sont situées, elles aussi, dans l'hémisphère gauche, et travaillent de manière synthétique. Les informations qui entrent dans les circuits du langage écrit vont donc, à tous les niveaux de traitement, être rassemblées en partant du plus simple pour aller vers le plus complexe jusqu'à ce que soit trouvée une correspondance parfaite entre ces données et un mot strictement équivalent stocké dans les différentes mémoires du cerveau. C'est la rétine périphérique qui détecte les espaces entre les mots et indique ou doit commencer et finir la synthèse de chaque mot à lire.

L'intrication complète des structures cérébrales qui vont de la perception du mot à sa compréhension a pour conséquence le fait que celles dont le rôle est de rattacher les éléments contenus dans un mot à la signification de celui-ci exercent un effet facilitateur pour simplifier et accélérer le travail de recherche de la correspondance entre chaque signe graphique et le phonème qu'il représente. Cette facilitation est réduite au minimum lorsque le décryptage fournit des informations suffisantes pour accéder à la compréhension. Par contre, lorsque la découverte de la correspondance phono-graphémique ne permet pas la compréhension d'un mot, le module supérieur intervient pour suggérer des solutions aux structures phonologiques. C'est là que nous trouvons l'explication de la lecture des mots présentés en désordre. Les aires destinées à identifier les lettres reconnaissent la première lettre du mot, elles abordent la seconde, puis la troisième, etc. Elles transmettent l'information concernant les liens graphismes/sons aux aires destinées à regrouper entre elles ces associations afin de trouver leur signification en comparant leur assemblage avec un mot strictement équivalent dont elles disposent en mémoire. Elles butent d'emblée sur un problème : aucune succession graphique connue n'existe dans les différents lexiques de la mémoire des mots. La découverte du sens est donc impossible tant que le cerveau, dont les capacités d'adaptation sont stupéfiantes, ne comprend pas qu'il doit, pour résoudre cette énigme, faire abstraction de l'ordre des lettres. Il lui faut élargir ses techniques de synthèse, passer en revue toutes les combinaisons grapho-phonémiques possibles avec les graphèmes identifiés et les assembler entre elles sans tenir compte de la position des signes graphiques les uns par rapport aux autres. Il poursuit ce travail jusqu'à ce qu'une de ces combinaisons puisse être conforme à la forme orale ou orthographique d'un mot dont il dispose en mémoire. Dans le premier texte présenté, le nombre de solutions est limité puisque la première et la dernière lettre sont en bonne place, ce qui facilite le processus mais la lecture est également réalisable si la première et la dernière lettre sont placées en position aléatoire. Par contre, le travail est alors beaucoup plus lent et plus difficile car le nombre de solutions envisageables est considérablement plus élevé. Ces exercices peuvent être rapprochés de ceux que pratiquaient certaines cultures lors des débuts de l'histoire de l'écriture. Certaines langues écrites ne faisaient figurer dans les mots que les signes correspondant aux consonnes. De plus, les mots et les phrases étaient liés entre eux sans aucune césure. Il fallait donc, pour lire, non seulement reconnaître les signes consonniques mais aussi pratiquer des essais d'introduction de voyelles et de séparations de graphismes dans le but de retrouver, dans cette chaîne graphique ininterrompue, des termes du langage oral. Trois millénaires plus tard, dans les textes précités, notre cerveau est soumis, aux mêmes contraintes mais celles-ci sont considérablement simplifiées par rapport à celles qui étaient exigées de nos prédécesseurs. Le mode opératoire en reste cependant identique. Pour prendre une comparaison contemporaine, disons que les inventeurs de ce jeu de société n'ont fait que reproduire sous forme d'un texte ce que réalisent tous les joueurs de scrabble. S'il existe un divertissement qui montre le rôle des opérations de synthèse dans la lecture, c'est bien celui-là. Le joueur doit construire un mot avec les sept lettres dont il dispose en utilisant la totalité ou une partie de celles-ci tout en incluant dans le corps du mot, à son début où à sa fin, une des lettres déjà placées sur la grille du jeu. Il lui faut donc passer en revue toutes les combinaisons possibles dont il dispose dans sa mémoire en tenant compte de leur forme orthographique pour répondre à ces contraintes. Les opérations de synthèse sont donc ici beaucoup plus élaborées que dans la lecture du premier texte puisqu'elles touchent toutes les possibilités envisageables à partir des mots déjà en place et des lettres dont le joueur dispose. Ceux qui pratiquent ce jeu perçoivent clairement la nature du travail qu'ils exécutent. Les bons joueurs sont ceux qui ont stocké en mémoire un très grand capital de mots et exécutent rapidement ce travail de synthèse d'une grande complexité. »

 

Sa conclusion : « En ce qui me concerne, j'aimerais bien connaître le raisonnement et les preuves scientifiques dont disposent ceux qui ont cru bon d'utiliser ces deux textes [il y a avait un deuxième texte, plus complexe, mais que j'ai passé sous silence pour ne pas être trop long]  pour affirmer le caractère global de la lecture experte. Ce serait sans nul doute pour moi une grande révélation. Je suis toujours prête à accueillir des informations susceptibles de m'aider à progresser dans la connaissance à condition que celles-ci soient étayées par des travaux dont la valeur scientifique est reconnue. S'ils n'en disposent pas, je les trouve bien imprudents de s'aventurer sur ce terrain et de confondre ainsi avec tant de désinvolture preuves et convictions. Mais je les remercie cependant de leur initiative car ils m'auront donné là une belle occasion d'illustrer, grâce à des exemples concrets et originaux, la complexité et la complémentarité des mécanismes qui partent de la vision d'un texte à sa compréhension.
Barvo, Miessuers, puor cttee intréessnate cnotirbution ! »

 

De mon côté, j'espère qu'on ne reverra plus ce genre de texte dans des blogs "sérieux"...

 

Publié dans Faits et foutaises

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S
C’est super ????
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S
Essaye de lire ce texte <br /> is vuos pvueoz lrie ccei, vuos aevz asusi nu dôrle de cvreeau. Puveoz-vuos lrie ceci? Seleuemnt 55 porsnenes sur cnet en snot cpalabes.<br /> Je nen cyoaris pas mes yuex que je sios cabaple de cdrpormendre ce que je liasis. Le povuoir phoémanénl du crveeau huamin. Soeln une rcheerche fiat à lUnievristé de Cmabridge, il ny a pas diromtpance sur lodrre dnas luqeel les lerttes snot, la suele cohse imotprante est que la priremère et la derènire letrte du mot siot à la bnone palce. La raoisn est que le ceverau hmauin ne lit pas les mtos par letrte mias ptuôlt cmome un tuot. Étonannt nest-ce pas? Et moi qui ai tujoours psneé que svaoir élpeer éatit ipomratnt! Si vuss poevuz le lrie, fitaes le svirue
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D
Dans un autre site j’ai vu cette phrases « fitaes le svirue » mais je n’ai pas réussi à la lire que veut elle dire ?
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A
J’ai vu que cela voulais dire faite le suivre mais je ne suis pas sûr
D
Je trouve ça très intéressant comme phénomène au début j’étais très étonné de réussir à lire les textes ????✌????
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D
Quand on veut tuer son chien on lui trouve toujours la rage..tout ce développement pour quoi ?se rendre intéressant à n'en pas douter !! pédant au possible !! Ce Dr démontre qu'il y a "lecture globale", que ce soit la résultante de mécanismes complexes et très rapides du cerveau cela ne change rien !! cela ne prouve pas non plus quelque énormité que ce soit de la part de ce Dr !<br /> Il nous expose un fait ! ce n'est pas une supercherie! point barre ! et toutes les divagations de "ces pseudos intelligences" qui ne cherchent qu' a critiquer,démolir..n'y changent rien !<br /> Mais ceci a l'avantage de nous montrer "la petitesse d'esprit de nos écolos du cerveau" qui cherchent à se mettre en avant..avec du vent ..du blabla inutile et insipide.
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