Paul le Poulpe et les statistiques…

Publié le par Bernard Sady

 Paul le PoulpeA l’occasion de la dernière Coupe du Monde de Football, vous avez certainement entendu parler de Paul, ce poulpe allemand qui a prévu tous les pays victorieux dans les matchs pour lesquels il était interrogé…

 

Et on ne peut pas dire qu’il était chauvin, puisqu’il avait même prédit la défaite de l’Allemagne…

 

Alors, un champion ou le fait du hasard ?

 

Alan Boydel a publié une intéressante tribune dans le Journal du Net, qui met les choses au point, intitulée : « Paul le Poulpe, ne passe pas notre test. »

 

Il commence par préciser que « son parcours n'est pas sans faute dès lors qu'on se penche sur son passé d'oracle. Si l'on prend en compte ses prédictions pour l'Euro 2008, le célèbre invertébré totalise douze prédictions correctes sur quatorze, soit un taux de réussite qui, de 100%, tombe déjà à 85.7%. »

 

La question est donc de savoir « à quel point la remarquable performance est susceptible de se perpétuer ».

 

Et pour répondre à la question, il le passe à « une analyse statistique et probabiliste rigoureuse » : la méthode "fifty-five".

 

Pour cela, il imagine un concurrent de Paul : « Bébert le poulpe ordinaire, parfaitement impartial et ignorant ». Et ce dernier « a une chance sur deux de choisir la moule décorée du drapeau du futur vainqueur, et ce, à chaque match, puisque la donne est réinitialisée à chaque fois. On dit que les événements sont indépendants. Son taux de réussite est donc de 50% quel que soit le nombre d'occurrences. »

 

A priori, puisque Paul le poulpe a obtenu de son côté un score de 85.7% (sur quatorze occurrences), l’avantage semble être du côté de Paul… Pas si sûr…

 

« La norme est de calculer un degré de confiance à partir de la loi binomiale et de considérer qu'au-delà de 95%, la variation est statistiquement significative. Chez fifty-five, on préfère en laisser encore moins au hasard : en plus de relever ce seuil à 98%, on calcule le degré de confiance à partir de la loi du Χ² (chi-deux), plus rigoureuse.

Et comme la significativité statistique dépend non seulement de l'amplitude de la variation enregistrée (ici forte : 85.7% - 50% = 35.7 points de variation) mais également du volume d'occurrences testées (ici faible : quatorze occurrences), pour les très petits volumes, nous appliquons la loi du chi-deux corrigée par Yates, encore plus rigoureuse et mieux adaptée. »

Le résultat ?
« Impossible alors pour Paul de nous enfumer dans son nuage d'encre : on obtient un degré de confiance de 89.5%, ce qui est largement en-dessous de notre seuil de confiance. »

 

La conclusion s’impose donc : « n'en déplaise à ses fans, les prédictions de Paul ne méritaient pas de faire couler plus d'encre que celles de Bébert. »

 

Et pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus, voici un dernier argument : « si les événements sont indépendants, on peut tout de même calculer la probabilité de deviner le bon résultat sept fois de suite, et c'est précisément ce qu'ont fait la plupart des journalistes. On obtient alors 1/128 (un sur deux à la puissance sept), soit moins de 0.8%. C'est effectivement extrêmement bas, mais c'est en fait la probabilité d'obtenir n'importe quelle combinaison ordonnée - aussi bien un sans faute qu'un “tout faux”, ou que toute autre combinaison mixte! »

Avant de s’emballer, il vaut mieux se poser et faire quelques calculs…

 

Mais ce n’est pas le lot des médias qui ne vivent que du fantastique et de l’extraordinaire…

 

Et effectivement, Paul a fait des émules : Le Figaro du 20 août nous informait que « tout comme son collègue allemand Paul le poulpe, Dirty Harry le crocodile australien avait prophétisé le triomphe de l'Espagne à la Coupe du monde de football. »

 

Et interrogé dans le cadre des élections législatives du 21 août, Harry le crocodile avait prédit que ce serait le parti travailliste qui remporterait la victoire : « ayant le choix entre deux carcasses de poulet accrochées à des ficelles, il a gobé celle à laquelle était fixée une caricature de la Première ministre sortante, Julia Gillard, et délaissé celle du chef de l'opposition libérale, Tony Abbott. »

 

Voici les résultats : le parti travailliste remporte 72 sièges, le parti conservateur 73, les verts 1 et divers 4.

La majorité étant de 76 sièges, il n’y a pas de vainqueur !

 

Sans commentaires…

Publié dans Détente

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J
<br /> <br /> Article très interessant!<br /> <br /> <br /> Le sujet de la variance et des intervals de confiance est toujours surprenant! La convergence est en effet très longue puisque en racine de n.<br /> <br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Bonsoir Bernard. Avez vous passé de bonnes vacances ?<br /> <br /> <br /> L'homme est désireux de connaitre l'avenir mais il n'est pas mutant. Les mathématiques sont basé sur l'empirisme.<br /> <br /> <br /> L'animal peut il mieux faire  ? Poulpe ou crocodile, ces bestioles visqueuses sont elles  plus "disposées" à prédire que le bipéde  ? Ont elles des sens plus developpés ?<br /> Mon chien jappe à la porte  quand ma fille arrive au bout de la rue (200 mêtres).. alors mon chien prédit l'avnir ! .. non ! Je n'y crois pas. Je pense que Paul le poulpe est un moyen<br /> de canaliser l'attention et .. l' audimat.  Je n'adhére pas du tout à cette belle histoire de Poulpe  célébre mais je respecte les animaux. D'ailleurs pourquoi s'appelle t'il Paul<br /> ?<br /> <br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> Bonsoir Yannick,<br /> <br /> <br /> Oui, j'ai passé de très bonnes vacances. Merci. Le seul petit regret c'est ne pas avoir eu de connexion Internet digne de ce nom pendant deux mois... la campagne, quoi!<br /> <br /> <br /> Et vous, vos vacances?<br /> <br /> <br /> Pour en revenir à Paul le Poulpe et à vos remarques, il est vrai que certains animaux ont des sens plus développés que les nôtres : l'odorat et l'ouïe chez le chien par exemple. J'ai également un<br /> chien et celui-ci "devine" très bien l'arrivée de ma fille lorsqu'elle rentre de l'école. Ils sont tous pareils... Mais c'est simplement une ouïe très fine... du moins je crois...<br /> <br /> <br /> Votre question sur le prénom de ce poulpe est intéressante.<br /> <br /> <br /> En fait, il me semble que c'est une opération marketing très bien montée. Mettre un prénom "humain" ne fait que renforcer le caractère "extraordinaire" de cet animal. Mais le résultat semble<br /> atteint, car les contrats de pub affluent sur Paul. C'est ce que révélait Le Figaro du 02 août :<br /> <br /> <br /> http://www.lefigaro.fr/medias/2010/08/01/04002-20100801ARTFIG00212-paul-le-poulpe-engrange-les-contrats-de-pub.php<br /> <br /> <br /> Même si c'est pour "protéger les tortues dans les eaux grecques", il y en a certainement qui vont s'en mettre plein les poches au passage!<br /> <br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> <br /> Bernard<br /> <br /> <br /> <br />