Les consultants, des virus ?… (4)

Publié le par Bernard Sady

Après plusieurs billets commentant un article de Muriel Jasor paru dans les Echos du 22 février dernier (« Les consultants confrontés à la montée des critiques »), ainsi que l’article d’Andrew Hill paru dans le Financial Times du 14 février dernier et sa métaphore comparant les consultants à des virus, voici les avertissements que donne Andrew Hill aux consultants : le ciel s’assombrit…

 

 

Il écrit :

« Des consultants cyniques pourraient prendre la critique pour un compliment donné à leur capacité à pérenniser leur business. Mais il y a aussi beaucoup de raisons pour lesquelles ils devraient s’inquiéter. »

 

La première de ces raisons est que « le PDG n’est pas seul ». Il est entouré de nombreux conseillers internes

 

La seconde raison est que « le ralentissement incite les entreprises à couper dans les conseils extérieurs. Moins de clients succombent à l’idée que valeur de l’argent et valeur ajoutée sont mutuellement exclusives. Ils achètent des conseils spécifiques, à court terme, surtout moins chers, mais moins profitables pour les consultants. »

 

C’est toujours l’argent qui mène les affaires. Et nombre de dirigeants finissent par se rendre compte que les conseils n’ont pas la rentabilité espérée.

 

La dernière raison est très forte : les consultants ont fini par scier la branche sur laquelle ils étaient assis… « Enfin, le très récent succès des consultants pour aider les entreprises à formuler leur stratégie et réduire leurs coûts a familiarisé les entreprises avec leurs méthodes. La familiarité engendre le mépris. Le comité exécutif est maintenant le repaire d’anciens conseils et de MBA. Il est plus difficile pour les consultants de convaincre l'un des leurs qu'il ou elle ne peut pas gérer sans avis extérieur. Le savoir-faire stratégique et opérationnel est entré dans le système sanguin de la grande entreprise. »

 

La conclusion d’Andrew Hill :

« Sauf s'ils s'adaptent, les consultants se retrouveront à vendre des services » que personne ne voudra.

 

Andrew Hill ne dit pas ce que les consultants doivent changer dans leur offre. Ce n’est pas facile car toutes les critiques qu’il vient de faire portent sur le métier même de consultant. Changer pour un consultant reviendrait-il à ne plus donner de conseils ?...

 

 

Cependant, Muriel Jasor dans son article des Echos donnait quelques pistes.

 

« Soucieuses de proposer des solutions plus en phase avec la demande des clients, quelques sociétés de conseil repensent leur façon de travailler avec une clientèle de plus en plus avertie - de fait, les entreprises recrutent beaucoup d'anciens consultants. Leur objectif est de proposer une alternative au modèle anglo-américain, et de faire la démonstration de la réalité de leur valeur ajoutée via la réhabilitation de la créativité, de l'ouverture d'esprit et surtout du facteur humain. »

 

Créativité, ouverture d’esprit et facteur humain seraient-ils devenus les dernières tartes à la crème de nos virus ?

 

Commençons par le facteur humain, « que Francis Rousseau, le PDG du cabinet de conseil en stratégie et organisation européen Eurogroup Consulting, place justement au coeur même de son positionnement et d'un récent manifeste. Lui qui ne veut plus entendre parler de “page PowerPoint assortie de trois camemberts”, presse les consultants de se détacher de leur “boîte noire à "benchmarker"”. Autrement dit, qu'ils ne se contentent plus de regarder ce que font les meilleurs pour ensuite les copier. Traditionnellement, pour transformer leurs organisations et faire évoluer leurs métiers, les dirigeants d'entreprise s'appuient sur des projets, des outils et de l'innovation produit. “Mais ce qui conditionne leur réussite, c'est la capacité des organisations à mobiliser les équipes autour des projets”, assure le cabinet Oasys Consultants. “Seule la prise en compte de l'engagement des parties prenantes internes peut garantir la performance des projets engagés”, confirme Victor Waknine, associé gérant fondateur de Mozart Consulting. »

 

Il est vrai que dans tout projet les hommes sont le facteur le plus important. Mais comme le précisait Victor Waknine lors de la présentation de son IBET (Indicateur de Bien-Etre au Travail) à Troyes il y a quelques semaines, pour qu’un projet réussisse, il est préférable que ce soit l’équipe en interne qui se l’approprie, plutôt qu’une armée de consultants. Les consultants n’étant là que pour des interventions ponctuelles et très ciblées. Ce qui implique moins de journées facturées pour ces derniers…

Prendre réellement en compte le facteur humain, c’est très risqué pour un consultant…

 

 

Passons à l’ouverture d’esprit ou « l'élargissement du regard » : « chez Weave, une société de conseil en stratégie opérationnelle, on n'hésite pas à faire intervenir, en marge des missions, la romancière Alice Ferney ou le général Gil Fiévet, spécialiste des stratégies militaires, pour cultiver l'esprit d'ouverture. »

 

Que l’esprit de nos managers s’ouvre sur autre chose que les résultats à court terme de leurs entités est souhaitable. Mais je ne suis pas sûr que ce soit le rôle des entreprises et encore moins celui des consultants de s’en occuper. “Big Brother” n’est pas loin…

 

 

Quant à la créativité, nos consultants ont raison de revenir sur des certitudes bien ancrées.

 

« Tous ces pros du conseil ont compris qu'optimiser un processus d'achat, externaliser une fonction de l'entreprise ou encore investir dans un centre de profit partagé [il s’agit vraisemblablement d’un coquille : Muriel Jasor a certainement voulu écrire “centre de service partagé”] aident à la réalisation d'économies, mais pas nécessairement à la performance ou à l'augmentation de part de marché d'un groupe.

 

« “A trop vouloir optimiser ses process, on peut scléroser une entreprise”, prévient Didier Rousseau, le président de Weave, en déplorant les postures moutonnières de nombre de ses homologues, notamment d'origine anglo-américaine. Des concurrents auxquels Francis Rousseau est un des premiers à opposer une alternative européenne. “Réhabilitons le réel, l'utilité, le produit, le service”, tonne-t-il. »

 

Il faut effectivement laisser de la place à l’initiative et à la créativité et ne pas tout scléroser. Cependant, nos consultants, à l’affût de tout ce sur quoi leurs précieux conseils pourraient s’appliquer, n’ont pas manqué de se précipiter sur ce créneau en mettant en exergue le thème de l’innovation… qui devrait nous sauver de tous les maux actuels…

 

 

Mais on devrait en savoir un peu plus puisque « dans l'intervalle, le Syntec Conseil en management devrait rédiger, pour la fin de l'année, un Livre blanc sur la base d' interviews de dirigeants, d'acteurs institutionnels et d'experts. Avec l'espoir de mieux faire connaître “l'utilité économique et sociale du conseil” et de “valoriser une expertise commune”. »

 

Les “virus” expliquant leur utilité économique et sociale, ça doit valoir le détour…

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Merci pour toutes ces informations enrichissantes ! Je suis également dans le consulting et je vous invite à visiter ma plateforme pour lire quelques uns de mes articles.
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