Managers, faites-en moins...
Loin de moi l'idée de suggérer aux managers de ne plus rien faire. "Managers, faites-en moins" est le titre du livre d'Eric Albert paru il y a quelques mois...
Eric Albert est psychiatre, fondateur de l'Institut français de l'action sur le stress (Ifas) et est l'auteur d'ouvrages de management assez anticonformistes comme « Le manager durable » ou « Le manager est un psy ».
Le Journal du Net a interviewé l'auteur en décembre dernier. En voici quelques extraits que j'ai sélectionnés. Mes commentaires sont en italique.
Le chapeau de l'article posee bien la problématique : « Les RH sont formelles : trouver des candidats à la fonction de manager devient difficile. Comment en est-on arrivé là ? Comment en sortir ? Réponse avec l'auteur de "Managers, faites-en moins". »
A la question concernant le mal-être du manager, Eric Albert répond : « C'est tout d'abord un fait constaté par les services des ressources humaines : de moins en moins de gens ont envie d'être managers. Prendre du galon et voir son salaire augmenter, oui. Mais ils ne sont pas tentés par la fonction elle-même, c'est-à-dire "faire faire aux autres". Ils sont plus attirés par les fonctions d'experts, c'est-à-dire "faire soi-même". D'autre part, les managers se disent dans un débordement permanent, une incapacité à faire face à ce qu'ils ont à faire. C'est un phénomène qui a toujours été plus ou moins présent mais qui s'est considérablement accéléré ces cinq dernières années. »
Si on calcule bien, cela fait 2003, soit quelques années après la mise en place de 35 heures. Ces 35 heures auront réussi à affaiblir les entreprises en augmentant les coûts et surtout elles ont démobilisé les cadres et incité les patrons à faire faire plus de travail aux cadres et surtout aux managers.
A quoi cela est dû ? « Le problème est que l'on a surchargé la fonction managériale d'une quantité considérable de tâches. Dans une perspective d'exhaustivité, on a cherché à définir un manager universel, avec des attributions dont l'énumération a tout d'une liste à la Prévert : développer ses collaborateurs, motiver son équipe, gérer les désaccords, être le relais de l'information, sanctionner et féliciter, prendre les décisions et j'en passe. Ce sont d'ailleurs toutes ces attributions que l'on retrouve dans les grilles d'évaluations 360° des grands cabinets. Mais pour moi, ce manager universel n'existe pas. Il faut définir le manager non par rapport à lui-même mais par rapport à l'effet qu'il a sur le comportement de ses collaborateurs. Sa compétence et sa performance doivent être jugées par rapport au contexte et non de manière globale. »
Taylor avait fait le même constat et avait préconisé de partager le rôle du manager entre huit contremaîtres...
A une question sur le changement Eric Albert stigmatise le « prêt à penser » managérial : « Les managers sont enfermés dans des prêt à penser du type : "voilà ce qui a marché ailleurs, reproduisez-le". Au contraire, il faut redonner sa vraie noblesse au management en inventant ce qu'il y a à faire, en tenant compte des spécificités de son entité et des priorités de la stratégie. »
Ce prêt à penser qu'on pourrait appeler aussi "pensée unique" est de plus en plus dénoncé (« Faits et foutaises en management » par exemple), mais la résistance est forte : il est tellement agréable de se contenter de refaire ce qui a (ou plutôt aurait) marché ailleurs.
Mais si le manager en fait trop, que peut-il abandonner ? : « Avant tout, à cette catégorie de tâches "qu'il serait bien de faire mais qui ne sont pas indispensables". Comme diraient les Anglo-saxons, renoncer aux "nice to have" pour ne garder que les "must have". Les managers doivent aussi apprendre à résister à leurs dirigeants qui sont souvent des gens toniques et créatifs mais dont les multiples bonnes idées finissent par engluer le système. »
Se restreindre à ne faire que ce qui est absolument indispensable pourrait être un début de sagesse...
Quant à résister à ses dirigeants, il y a deux manières possibles :
- - l'affrontement direct qui n'est pas conseillé car cela ne convainc pas le patron et est souvent dommageable au "résistant"...
- - Accepter ce qui est demandé, mais ne le faire que si on a le temps. Si ce n'est pas fait, personne ne s'en apercevra car celui qui a fait la demande est vraisemblablement déjà passé à autre chose......
Ma conclusion : il est clair qu'un manager débordé ne peut faire du bon travail.
La responsabilité est double. D'abord la direction : en est-elle consciente?
Ensuite le manager lui-même : fait-il ce qui faut pour être mieux organisé et se concentrer sur les tâches essentielles?
N'hésitez pas à lire toute l'interview et pourquoi pas le livre.