Comment couler une entreprise en France... grâce à la loi...

Publié le par Bernard Sady

C’est au moment où les états généraux de l’entreprise battent leur plein qu’on apprend qu’Olympia, le fabricant de chaussettes de Romilly-sur Seine dans l’Aube est mis en redressement judiciaire après que l’entreprise se soit déclarée en cessation de paiement.


Qu’une entreprise soit mise en redressement judiciaire n’est (hélas) pas extraordinaire par les temps qui courent…


Non, ce qui fait que cet évènement est particulièrement notable, c’est la cause de ce redressement. L’entreprise avait été condamnée en mai 2009 à verser 2,5 millions d’euros à 47 salariés (soit environ 32 mois de salaire à chacun) au motif qu’elle n’avait pas proposé de poste de travail à 110 euros par mois dans sa filiale roumaine… L’entreprise avait demandé l’étalement du versement sur 24 mois, dont 10% des sommes dues au 31 décembre, mais selon Philippe Brun, l’avocat des 47  salariés, cité par Les Echos du 20 novembre 2009 : « si la société avait été en bonne santé, il y aurait eu des prêteurs pour le paiement de ces indemnités. La seule proposition concrète faite aux ex-salariés a été de l'ordre de 10% des sommes dues au 31 décembre, c'était inacceptable. La procédure va enfin révéler le passif de la société qui dépasse de loin le problème des 47 salariés licenciés. »


Peu importe l’avenir de l’entreprise, l’essentiel est que les salariés aient leur indemnité : « Selon l'avocat, qui prônait dès juin la solution du redressement judiciaire pour Olympia, les indemnités des ex-salariés vont maintenant pouvoir être produites devant le mandataire qui sera désigné par le tribunal de commerce de Troyes le 24 novembre et prises en charge par l'assurance garantie des salariés (AGS). »


Pour que ce soit l’AGS qui prenne en charge ces indemnités, il faut que l’entreprise soit en redressement judiciaire… C’est ce que souhaitait Philippe Lebrun dès le mois de juin ! Objectif atteint !


Bien sûr, redressement judiciaire ne veut pas dire fermeture, mais en France, c’est souvent l’issue fatale pour les entreprises qui passent par les fourches caudines des administrateurs judiciaires…


Il y a d’ailleurs un plan social envisagé : entre 70 et 100 personnes pour le site de Romilly qui emploie 295 personnes…  Et également sur le site roumain.


Philippe Brun récuse l’accusation d’avoir mis l’entreprise en difficultés… Il est vraisemblable qu’Olympia a par ailleurs des difficultés importantes, la perte de 1,4 millions d’euros sur un CA de 30 millions en 2008 le montre. Mais vouloir doubler ces pertes par des demandes d’indemnités aberrantes n’a pu qu’accélérer la chute. Et le temps passé par ses dirigeants à trouver une solution à ce trou financier ne l’a pas été à régler les autres problèmes…


Je ne sais pas ce qu’en pensent les autres salariés, ceux qui sont encore (mais pour combien de temps ?) chez Olympia. Mais si cette entreprise met la clé sous la porte, ils n’auront certainement pas 32 mois d’indemnités de licenciement …


Finalement, Philippe Brun a raison. Ce n’est pas de sa faute, si l’application de la loi mène une entreprise à la faillite…


J’avais dénoncé cette aberration en mai dernier dans un billet au titre explicite “Reclassements au royaume d’Ubu”. Je ne peux que constater l’aggravation de la situation et la déplorer.

 

Heureusement, ce cas semble rare, mais il serait souhaitable que les états généraux de l’industrie tirent les leçons de cette affaire, d’autant que d’autres entreprises se sont fait “lyncher médiatiquement” pour avoir proposé des postes en Pologne ou en Roumanie, payés aux tarifs locaux…

 

Ces états généraux parviendront-ils à transformer le royaume d’Ubu en pays “normal” ?

 

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