La TOC et le But de l’entreprise

Publié le par Bernard Sady

J’ai commencé à aborder la TOC dans un billet il y a quelques jours, à la suite d’une formation sur la TOC et la gestion de projet

 

Avant d’aborder en détail la gestion de projet revisitée par la TOC (théorie des contraintes), il est nécessaire de présenter (rapidement…) les principes qui sous-tendent cette théorie.

 

Le premier de ces principes est que toute organisation a un but.

 

C’est pour moi l’occasion de finaliser l’étude que j’avais commencée il y a quelques mois sur le but de l’entreprise.

 

D’abord, nous devons constater que tous les auteurs consultés sont d’accord pour dire que le profit n’est pas le but de l’entreprise.

Et il est regrettable de lire encore cette affirmation du profit comme finalité de toute entreprise sur certains sites comme celui de Christian Hohmann “HC Online” dans sa partie sur la TOC. C’est dommage, car son site consacré à la performance industrielle est intéressant.


 

Pour vous remettre en tête ce que nous avions vu en juillet, voici un résumé des différentes positions étudiées :

 

Goldratt soutient que l’entreprise a 3 buts : Gagner de l’argent, procurer un cadre de travail satisfaisant et sécurisant pour les salariés, satisfaire le marché. Ces trois buts semblent s’équilibrer.

 

Pour Franck Riboud, l’entreprise doit créer de la valeur et de la richesse pour les parties prenantes : actionnaires, salariés, fournisseurs, clients, société civile, etc… Il y a donc plusieurs buts qui pourraient être contradictoires. Respecter l’environnement est également une condition de survie, mais la condition de la survie n’est pas le but ultime… 

 

Pour Peter Drucker, l’objectif de l’entreprise est extérieur à celle-ci. Il consiste à satisfaire une des parties prenantes : les clients.

 

Pour Toyota, le but est étroitement lié à la mission de l’entreprise. Sa mission comporte trois volets : contribuer à la croissance économique du pays d’accueil, contribuer à la stabilité et au bien-être des employés, contribuer à la croissance globale de Toyota. On se rapproche donc du point de vue de Franck Riboud : l’entreprise doit prendre soin de ses parties prenantes et de son environnement.

 

Pour Pierre de Calan, l’objectif de l’entreprise est la satisfaction des hommes qui y travaillent et de ceux pour lesquels elle travaille. Auparavant, il a défini ce qu’était l’entreprise : une aventure économique et une communauté humaine.

 

J’ai beaucoup hésité pour écrire ce billet, car s’il m’est apparu très vite que le profit ne pouvait pas être le but de l’entreprise, définir ce but n’était pas si évident…

 

J’ai fait donc appel à mes cours de philo… et en particulier à l’approche par les quatre causes de la philosophie aristotélicienne.

J’ai essayé d’appliquer ces quatre causes à l’entreprise sans savoir où cela me mènerait. Et il me semble que le résultat est intéressant. Le voici.

 

 

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je dois donner quelques définitions et préciser certains concepts.

Mais attention, le langage pourra sembler hermétique…

 

Pour cette partie théorique, je m’appuie sur le “Cours de philosophie” de R. Jolivet (Editions Emmanuel Vitte - 1959) et j’en prendrai de larges extraits.

 

« Définitions

« On appelle principe ce dont une chose procède, de quelque manière que ce soit. Ainsi toute cause est principe, mais tout principe n’est pas cause, car le terme de cause ne s’emploie que pour désigner ce dont une chose dépend quant à l’existence. On nomme effet le produit de l’action causale et conséquent ce qui résulte du principe.

 

« Analyse de la cause

«  L’analyse révèle trois éléments ou conditions dans la notion de cause. D’une part, la cause doit être réellement distincte de l’effet. Par suite, la causalité ne se confond pas avec l’activité : agir n’est pas nécessairement causer ou produire. D’autre part, l’effet doit dépendre réellement de la cause, car c’est par la vertu de la cause qu’il est produit. Enfin, la cause doit avoir sur l’effet une priorité de nature. Nous disons : “une priorité de nature” et non pas une priorité de temps, car la causalité est un rapport qui n’implique pas nécessairement le temps (ou la succession). Il faut même dire que, considérés dans ce qu’ils ont d’essentiel, l’exercice de l’action causale et la production de l’effet sont choses simultanées et indivisibles.

 

« Cause, condition, occasion

« Il faut distinguer soigneusement ces trois notions. La condition est ce qui permet à la cause de produire son effet, soit positivement, à titre d’instrument ou de moyen (ainsi l’archet est-il pour le violoniste la condition de la mélodie qu’il va jouer), – soit négativement, en écartant les obstacles (ainsi le pianiste doit il faire accorder son piano, s’il veut jouer juste).

L’occasion est une circonstance accidentelle qui crée des conditions favorables à l’action (ainsi le beau temps est l’occasion qui me décide à faire une promenade). Ni l’occasion la plus heureuse, ni la condition la plus indispensable (appelée conditions sine qua non) ne peuvent être confondues avec la cause proprement dite, car l’effet n’en dépend pas essentiellement, mais accidentellement. »

 


Après ces définitions et précisions indispensables, venons-en aux quatre causes.

 

1. Cause efficiente

C’est la cause qui, par son action physique produit l’effet.

Par exemple, le sculpteur est cause de la statue, en tant que statue.

 

On peut décliner cette cause efficiente en cause principale ou cause instrumentale. La cause efficiente principale agit par sa propre vertu, alors que la cause efficiente instrumentale est au service de la cause principale.

Par exemple, l’architecte est la cause efficiente principale de la maison, car c’est lui qui la crée, c’est lui qui en fait les plans. Alors que le maçon en est la cause efficiente instrumentale en la réalisant à partir des plans faits par l’architecte.


Pour l’entreprise, c’est l’entrepreneur qui est cause efficiente principale de l’entreprise. C’est lui qui la crée et lui donne ses caractéristiques. Le manager sera, lui la cause efficiente instrumentale, car il gère cette entreprise (ou une partie) en suivant les directives de l’entrepreneur. Les employés peuvent être également cause instrumentale de l’entreprise, dans la mesure où ils façonnent l’esprit et la culture de l’entreprise en suivant les directives de l’entrepreneur ou des managers. Pour reprendre l’image de la maison, ils sont en partie les ouvriers du maçon.


 

2. Cause matérielle

C’est la matière dont une chose est faite.

Par exemple, la statue est en plâtre.

 

Pour l’entreprise, la cause matérielle est formée des actifs de l’entreprise : bâtiments, machines. Les employés peuvent aussi être considérés comme cause matérielle dans la mesure où ils font complètement partie de l’entreprise. C’est ce qu’on appelle actuellement le capital humain. Mais attention à ne pas les réduire à cette seule caractéristique.


 

3. Cause formelle

C’est la forme de la chose.

Par exemple, la statue est une statue de Vénus.

 

Pour l’entreprise, ce sera le statut de cette dernière : SA, SARL, etc…


 

4. Cause finale

C’est ce pourquoi l’effet est produit.

Par exemple, pour la statue, la cause finale sera la décoration d’un jardin ou d’un hall.

C’est avec cette cause finale qu’on va arriver à cerner le but ultime de l’entreprise.

 


Mais d’abord, précisons ce qu’est cette cause finale.

Je cite à nouveau un extrait du “Cours de philosophie” de R. Jolivet.

 

« Notion

« a) Définition. La fin, en général, est ce pourquoi l’effet est produit. Elle est donc le terme de l’action, dans l’ordre de l’exécution, – et le principe de l’action, dans l’ordre de l’intention, puisqu’elle commande toute la série des opérations. A ce titre, elle est donc cause des causes. Par exemple, Pierre veut être ingénieur : c’est cette fin (intention) qui va le conduire à faire telles études, à entrer dans telle école, à passer tels examens. Quand il aura conquis le titre d’ingénieur, la fin (ou intention) sera réalisée et toute la série d’activités commandée par cette fin sera du même coup finie. La fin est donc bien à la fois le principe et le terme de l’action.

 

« b) Nature de la causalité finale. Comment expliquer la causalité de la fin, c’est-à-dire sa propriété de mouvoir l’agent à produire quelque chose ? C’est évidemment le désir qui est au principe du mouvement : c’est parce que je suis sollicité par quelque chose qui m’apparaît comme désirable que j’entreprends d’agir.

« Mais l’explication doit être recherchée plus avant, car on peut encore se demander la raison du désir. Or nous savons que la tendance et le désir ne sont mis en acte que par l’appréhension de quelque objet se présentant sous l’aspect d’un bien convenant à l’agent. C’est donc, fondamentalement, le bien en tant que désirable, qui rend compte de la causalité de la fin. C’est pourquoi l’on affirme que la fin et le bien sont convertibles.

 

« Division

« On peut distinguer la fin en fin de l’œuvre et fin de l’agent, – en fin principale et fin secondaire, – en fin médiate et fin dernière.

 

« a) Fin de l’œuvre et fin de l’agent. La fin de l’œuvre est objective : c’est la fin à laquelle l’œuvre est ordonnée par sa nature même : ainsi l’aumône est-elle, de soi, destinée à soulager la misère du pauvre. La fin de l’agent est subjective, car elle réside dans l’intention : celui qui fait l’aumône peut viser soit à soulager la misère, soit à obtenir une réputation flatteuse de générosité. Quand la fin de l’agent ne coïncide pas avec la fin de l’œuvre, celle-ci devient un simple moyen.

 

« b) Fin principale et fin secondaire. La fin principale est celle qui est visée premièrement avant toute autre et à laquelle les autres fins (appelées secondaires) sont subordonnées. Ainsi le soldat combat avec courage pour défendre sa patrie, et secondairement, pour obtenir une décoration et un avancement.

 

« c) Fin médiate et fin dernière. Qu’elles soient principales ou secondaires, les fins particulières ne sont jamais que des fins médiates, et à jamais le but dernier de l’action. Elles sont donc nécessairement subordonnées à une fin, qui est dernière et absolue. Cette fin, c’est toujours le bien ou la propre perfection de l’agent. Toutes les autres fins sont particulières et instrumentales relativement à cette fin dernière. »

 


Je vous laisse digérer ce cours avant de voir l’application à l’entreprise…

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