L'organisation matricielle a du plomb dans l'aile...

Publié le par Bernard Sady

Au détour d'un petit article de L'Usine Nouvelle du 10 juillet 2008 « La réforme de Fret SNCF sur les rails », Olivier Cognasse nous apprend que Fret SNCF modifie son organisation en abandonnant l'organisation matricielle. Il cite Luc Nadal, le nouveau directeur : « Nous avons mis en place un management unique. Nous sommes sortis d'une organisation matricielle pour aboutir à une chaîne de commandement allégée qui permet une plus grande réactivité dans les prises de décision et une meilleure productivité. »

J'ai toujours été dubitatif face à l'organisation matricielle qui a été à la mode dans les années 90. Beaucoup de grandes entreprises ont tenté de mettre en place ce type d'organisation. Avec peu de succès et beaucoup de difficultés. Elles en sortent en général sans bruit. C'est pour cela que cet article est intéressant : enfin une grande entreprise reconnaît que l'organisation matricielle n'est pas la panacée et qu'au contraire, rien ne vaut une chaîne unique allégée. Les avantages de ce type d'organisation sont sans appel : plus grande réactivité et meilleure productivité.

 

Eric Abrahamson et David H. Freedman expliquent également la lourdeur et le manque de réactivité de l'organisation matricielle dans leur ouvrage "Un peu de désordre = beaucoup de profit(s)" : « Dans les plus grosses entreprises, la simple décision d'attaquer un nouveau marché n'est souvent prise qu'à l'issue d'un long et tortueux cheminement. Parfois même, assez ironiquement, la faute en incombe largement à des schémas organisationnels postmodernes, fondés sur le maillage pourtant adopté comme un antidote à la hiérarchie pyramidale. Ces nouveaux schémas compliquent tellement les lignes hiérarchiques qu'il devient difficile de savoir qui est véritablement en mesure de prendre une décision. Dans les années 1990, par exemple, IBM a choisi une structure de direction qu'on peut représenter par une matrice à huit dimensions, du type de celles qui sont utilisées en physique des particules dans la théorie des cordes ! Et les entreprises continuent de recourir à des schémas organisationnels toujours plus ambitieux à mesure de leur croissance, en partie  par peur de l'alternative (les organisations se comporteraient de façon imprévisible, irrégulière, non coordonnée et désordonnée), en partie parce que cela donne aux cadres supérieurs l'impression de s'accomplir pleinement. »

La suite du paragraphe donne une explication intéressante sur le succès apparent de telles organisations : « La démarche trouve sa justification dans le fait observé que les performances connaissent alors une amélioration temporaire, grâce à une sorte d'équivalent de l'effet placebo. C'est une conséquence secondaire de l'effet Hawthorne : n'importe quel changement, ou presque, apporté dans l'environnement d'un travail tend à être temporairement efficace. »

Et la conclusion : « Mais le fait est qu'un schéma organisationnel de haute précision, dans tous les cas ou presque, s'adaptera mal aux mouvements d'expansions et d'effondrements spectaculaires qui caractérisent aujourd'hui la plupart des marchés. » (Pages 168-169).

 

La chaîne de commandement unique, depuis Socrate jusque Fayol reste quand même l'organisation la plus efficace. A condition de ne pas trop l'alourdir et de veiller à ce que les informations circulent dans les deux sens. Même dans le cadre d'une organisation projet, il est préférable de détacher à plein temps l'équipe projet qui dépendra du chef de projet, sinon, il y aura inévitablement des conflits de priorité, et comme me le disait un ami consultant, « on ne peut suivre correctement qu'un seul projet ».

Publié dans Faits et foutaises

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