Mesures pour temps de crise

Publié le par Bernard Sady

Dans un billet précédent sur la réduction des effectifs qui se prépare dans les entreprises, j'ai essayé de donner en conclusion quelques pistes de simple bon sens pour essayer de passer cette crise sans trop de mal.

Je disais qu'il fallait d'abord être conscient que la crise allait durer au minimum un an et qu'elle serait terrible. Il faut donc commencer ou continuer à prendre des mesures pour faire le dos rond : vivre sur ses réserves (à condition d'en avoir), réduire les coûts, être prudent avec les effectifs... Cela demandais à être développé.

Un dossier du Journal du Net préparé par Aurélie Fardeau est sur ce même thème : « 10 mesures pour préserver votre entreprise ». J'en profite donc pour prolonger la réflexion que j'avais commencée il y a quelques temps.

Parmi ces dix mesures, certaines sont à mettre en œuvre dès que possible, par contre, je serai amené à exprimer mon désaccord avec certaines autres qui me semblent aboutir à l'effet inverse de celui recherché.



La première de ces mesures consiste à « traquer les coûts cachés », en particulier les frais généraux : fournitures, électricité (éteindre les lumières... en plus c'est très "développement durable"), chauffage (chauffer ce qu'il faut pendant les périodes de présence), voyages et dépenses de réception (mais attention à mettre tout le monde sur le même pied d'égalité).



La seconde mesure préconise de « maîtriser la masse salariale » : gel des embauches et surveillance de toutes les demandes d'augmentation d'effectifs. Attention cependant à ne pas aller trop loin en ne renouvelant pas suffisamment les départs ou en ne renforçant pas assez vite les équipes qui en ont besoin. Vous risquez d'arriver à l'effet inverse : surcharge de travail, augmentation du "mauvais" stress et baisse de l'efficacité... La crise va durer. Si vous pouvez reporter une embauche indispensable de quelques semaines, les conséquences seront différentes si vous reportez ces embauches de plusieurs mois, voire années. C'est à peu près la même chose pour les stagiaires. S'il convient de faire attention à cette charge, il ne faut pas refuser tous les stages : ils sont un bon moyen de repérer vos futurs collaborateurs.

Attention également aux augmentations de salaire. Si je suis d'accord avec le Journal du Net pour ne pas « supprimer les augmentations », je ne suis pas d'accord avec ce même Journal lorsqu'il préconise de « privilégier des augmentations individuelles fortement discriminantes afin de montrer votre volonté de récompenser les collaborateurs les plus impliqués ». Je préfère la position de Philippe Poincloux, directeur général de Towers Perrin France cité dans l'article « La crise tourmente les cadres » paru dans "Les Echos" du 28 octobre 2008 : « Auparavant, la différenciation était la loi dans les politiques de rémunération. Aujourd'hui, si l'on veut que tout le monde se serre les coudes, il est essentiel de moins communiquer sur les différences, qu'il s'agisse de la part variable, des hauts potentiels... » En fait il faut un bon équilibre entre augmentations générales et augmentations individuelles. Dans une telle période, il est nécessaire de faire pencher la balance un peu plus vers les augmentations générales sans pour autant supprimer les augmentations individuelles. Rappelons-nous Herzberg : si le salaire n'est pas un puissant levier de motivation, par contre, il est un très fort levier de démotivation. Il faut donc faire en sorte que chacun considère qu'il est payé "normalement" compte tenu de la crise et de la situation de l'entreprise. Ce n'est pas le plus facile...

 

La troisième mesure incite à « renégocier ses contrats ». Si c'est une chose que vous ne faites pas souvent, c'est vraiment le moment de le faire et les économies peuvent être importantes. Quelques conseils donnés par le Journal du Net : faire « un "benchmark" du marché », privilégier « des contrats courts à renouveler régulièrement, plus faciles à rompre en cas de besoins soudains de trésorerie », allonger les délais de paiements vis-à-vis des fournisseurs et les diminuer pour les clients (lorsque c'est possible...), être intraitable avec le recouvrement des factures, surveiller la santé financière des clients.

 

La quatrième mesure concerne le personnel : « mobiliser ses équipes ». C'est bien sûr très important. Mais il ne faut pas commencer par mettre la zizanie au sein des équipes en appliquant strictement ce qui est dit des rémunérations individuelles dans la mesure numéro deux...

Pour le Journal du Net « la communication en est la pierre angulaire. » Il convient d'expliquer la situation réelle de l'entreprise à l'ensemble des salariés en toute clarté. En rassurant ces derniers et en expliquant les mesures qui vont être prises. Ainsi que la manière dont les salariés vont être concernés. Il convient également d'avoir un bon système de remontée des inquiétudes du personnel. L'encadrement doit en être le vecteur privilégié.

Un ami, patron d'un PME liée au secteur du bâtiment, a fait cette opération de communication il y a quelques semaines à l'ensemble de ses salariés. Les résultats sont très probants. Même si la situation est difficile, il faut être clair avec les employés.



Je suis beaucoup moins d'accord avec la cinquième mesure : « réaménager ses locaux ». Bien sûr, si votre entreprise est dans une grande ville et que vous avez la possibilité de louer une partie de vos locaux (ce n'est pas évident en période de crise où il y a plutôt pléthore de bureaux disponibles...), vous pouvez le faire. Mais les solutions envisagées risquent d'aboutir à l'effet inverse de ce qui était recherché dans le point précédent : la démobilisation des équipes. J'ai suffisamment dénoncé les méfaits  des "Open Spaces" et du partage des bureaux pour ne pas crier « au fou ! » Vouloir mener de telles mesures (création d'open spaces ou mise en place d'une organisation avec bureaux partagés) en pleine crise est particulièrement risqué. C'est au moment où les employés ont besoin de tous leurs repères que vous allez tout bouleverser ? Je ne dis pas qu'il ne faut pas faire d'économies sur les surfaces utilisées par les bureaux, mais je dis que c'est un point très sensible et qu'il faut être très prudent. Surtout si ceux qui prennent ces décisions restent tranquillement dans leurs bureaux capitonnés...

Attention également aux salles de réunions. Si vous voulez favoriser le travail en équipe, élément important dans les situations de crise, il faut un minimum de salles où les équipes pourront se réunir. Si pour tenir une réunion, vos employés doivent se retrouver dans le café d'à côté, vous n'aurez certainement pas trouvé le meilleur moyen de les mobiliser...



Je suis beaucoup plus en accord avec les mesures six et sept : « revoir son mode de financement à court terme » et « cibler ses investissements ».

Pour la mesure six, il convient de mieux gérer sa trésorerie. En période de manque de liquidités, c'est essentiel. Les conseils du Journal du Net : « Prenez rendez-vous avec votre conseiller financier afin d'optimiser votre gestion et surtout, ne prenez pas de risques. » Si vous disposez d'un surplus de trésorerie, placez-le à court terme sans risque : Sicav monétaires ou bons du trésor. Si vous êtes à découvert de manière récurrente, c'est un signe de mauvaise gestion. Il vaut mieux prendre un financement plus durable. L'escompte peut être une solution provisoire. Enfin, n'utilisez pas votre trésorerie pour les petits investissements.



La mesure sept porte justement sur les investissements.

Il va falloir vivre chichement, même pour les investissements. Vous risquez d'avoir besoin de toutes vos ressources financières si la crise se prolonge. Ce n'est donc pas le moment de vous engager dans des projets pharaoniques. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille geler tout développement. Mais la plus grande prudence doit être la règle.

 

La huitième mesure concerne les prestations externes : « limiter les prestations externes »

Et le Journal du Net explique que pour ce point « deux politiques s'opposent selon la situation de l'entreprise ».

Soit la situation de l'entreprise est bonne et « vous souhaitez gagner en souplesse afin d'être réactif en cas de coup dur. Dans ce cas, vous pouvez choisir d'externaliser les activités non stratégiques de l'entreprise auprès de prestataires, notamment les fonctions supports. Cela vous permet de vous concentrer sur votre métier de cœur et de mobiliser vos ressources dessus. » Je ne suis pas convaincu qu'une externalisation soit une action susceptible de favoriser la mobilisation des salariés... Il faut donc, comme pour les mesures précédentes faire preuve de la plus grande prudence.

A l'opposé, si la situation de votre entreprise n'est pas bonne et « si vous souhaitez réaliser de substantielles économies, vous allez plutôt supprimer toutes les prestations non indispensables. L'arbitrage est subtil mais en règle générale, tout ce qui ne touche pas directement au cycle de production peut être supprimé. » Mais « attention à ne pas aller trop loin ».  



La neuvième mesure est classique en période de crise : « se recentrer sur les marchés stratégiques »

Les ventes doivent donc être orientées vers les « les produits à forte marge.  Pour cela, se recentrer sur ses produits phare - dits "vaches à lait" - dont le développement a déjà été amorti et qui génèrent ainsi beaucoup de cash-flow. »

Par ailleurs, sur le plan commercial il convient de faire très attention à la politique tarifaire : « accroître sa flexibilité sur le segment des grands comptes, très sensibles au prix », et « maintenir au maximum ses marges sur les petits et moyens clients ». Il faut également veiller aux remises et enfin suivre de près l'activité commerciale.

 

La dernière mesure est tournée vers les partenaires de l'entreprise : « rassurer ses partenaires ».

D'abord « votre banquier et a fortiori vos actionnaires ou associés seront grandement rassurés si vous leur montrez votre capacité d'anticipation et votre prise de conscience des risques. Ils seront plus à même de vous épauler s'ils ont confiance en votre gestion. Prévenez donc les difficultés et tenez les informés de l'évolution de votre activité. »

Ensuite « vos fournisseurs peuvent s'inquiéter de votre capacité à payer vos factures dans les temps ».

Enfin, ne négligez pas vos clients qui peuvent se poser des questions sur la fiabilité de vos livraisons.

Publié dans Economie

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