“Gardez les meilleurs !” (3) : savoir embaucher (suite)

Publié le par Bernard Sady

Après une brève introduction faite il y a quelques jours, entrons dans le vif du sujet du recrutement.

 

J’avais cité la situation de mon ami qui venait d’embaucher avec difficulté son premier collaborateur.

Elle correspond parfaitement au chapeau du chapitre : « Nous avons recruté dans l’urgence, […]. Au final, personne n’était satisfait. » C’est en deux jours que mon ami a fait son embauche…

 

Recruter des collaborateurs est l’une des responsabilités et des tâches les plus importantes qui incombent aux managers et aux patrons. Mais comme mon ami, beaucoup n’ont pas le temps ou ne prennent pas le temps de préparer et suivre ce processus de recrutement pourtant essentiel à l’avenir de leur entreprise.

 

Recruter est difficile et n’est pas une science exacte. On n’est jamais sûr, même en prenant le maximum de précautions, de faire le bon choix. Il est quand même certain que si on le prépare de manière systématique et si on suit un processus précis et complet, on a plus de chance de ne pas se tromper que si on improvise.

 

Pour donner quelques explications sur la manière de faire un bon recrutement, je vais suivre le chapitre 8 de “Gardez les meilleurs !”, qui je vous le rappelle, est consacré au recrutement : « Hier, aujourd’hui ou demain, l’important est de savoir recruter ! »

 

 

Qu’est-ce qu’un bon candidat ?


Nous avons le “bon candidat” lorsque « les compétences et attentes d’un postulant correspondent aux conditions requises pour le poste et que ses valeurs fondamentales sont en adéquation avec celles de l’entreprise. »

 

Cette définition implique avant tout d’avoir bien défini le poste et ce qu’on attend du candidat. Evident, vous me direz… Oui, mais sauf qu’il n’est pas si rare de ne pas avoir défini précisément le contour du poste et les compétences nécessaires. On arrive assez facilement à définir les tâches qui devront être remplies. On arrive aussi à définir le niveau d’étude (encore qu’il est souvent, soit surestimé, soit sous-estimé…). Mais bien souvent, on laisse de côté les compétences comportementales : savoir vivre, convivialité,  honnêteté, etc. Cela semble tellement évident qu’on n’a pas besoin de le préciser. Sauf que si vous ne définissez pas précisément ce que vous recherchez, vous ne risquez pas de le trouver…

 

Donc, première chose à faire, c’est d’établir une fiche de poste. Ce n’est pas la peine de faire un document en 4 pages avec des tas de paragraphes… Mais il vous faut un minimum de support écrit et il faut y passer un peu de temps.

 

Je vous la propose en 4 parties :

      -    Mission : il s’agit de faire une phrase qui synthétise l’objectif du poste.

      -    Tâches à réaliser : listez toues les tâches que devra assurer la personne qui occupera le poste.

      -    Niveau de connaissance : indiquez le niveau d’étude et les formations nécessaires à la tenue du poste.

      -    Relations : faites la liste des personnes et des services avec qui la personne occupant le poste sera en contact. Pensez aux relations internes et aux relations extérieures.

 

Normalement, dans toute entreprise correctement structurée, les fiches de poste (ou définitions de fonction) existent. Au moment de recruter, il suffit simplement de vérifier qu’elle soit bien à jour.

 


De cette fiche, vous allez déterminer les compétences requises de la part des candidats selon le triptyque :

      -    Savoir : le  niveau d’étude, la formation, les connaissances théoriques. Par exemple : un manager devra avoir des connaissances en psychologie, en gestion, etc. ; un électricien devra avoir au minimum un CAP, connaître la loi d’Ohm et être habilité aux interventions électriques ;

      -    Savoir-faire : ce que la personne doit savoir faire. Par exemple : un manager doit savoir négocier, évaluer, entrainer, faire un budget, etc. ; l’électricien doit savoir faire des montages et dépanner, le tout en sécurité.

      -    Savoir-être : ce sont les compétences comportementales, le « style ». Elles doivent correspondre à la culture et aux pratiques de votre entreprise. Par exemple : un manager doit être honnête, doit avoir un bon contact, faire preuve d’empathie, etc. ; un électricien devra être sensibilisé à la sécurité (la sienne et celle des autres), et il devra avoir le sens du service.

 

Une fois que vous avez défini les compétences requises pour tenir ce poste, vous allez passer à l’étape suivante : l’appel à candidature. Soit en direct (sur Internet par exemple), soit en passant par un cabinet de recrutement, soit en utilisant les services des organismes officiels chargés de l’emploi (Pôle Emploi en France -  je précise, car mon ami vit en Suisse, et j’ai également quelques lecteurs canadiens…).

 

Vous (ou le cabinet de recrutement ou l’organisme) allez sélectionner entre 3 et 5 candidats d’après leur lettre de motivation et leur CV.

 

Ensuite, vous commencez à préparer l’entretien. Vous faites la liste « des questions que vous poserez lors de l’entretien pour déterminer si la personne possède les compétences ou caractéristiques » nécessaires à la tenue du poste.


Il est surtout important de bien préparer les questions sur les compétences comportementales, car c’est ce qu’il y a de plus difficile.

 

Les auteurs de “Gardez les meilleurs !” donnent un exemple que je cite intégralement :

 

« Dans une société de haute technologie, un pose de chef de projet se retrouve vacant au service marketing. Jean, le manager, passe des annonces sur Internet et dans un journal, et reçoit un bon  nombre de CV. Avec l’aide d’un chargé de recrutement, il réduit la liste à dix candidats. Sur le papier, les dix ont des compétences techniques qui conviennent parfaitement pour ce poste.


« Jean, qui est plutôt perspicace, a déjà recruté beaucoup de personnes. Certains recrutements se sont révélés positifs et d’autres ont été de véritables fiascos. [Je confirme qu’on ne réussit pas à tous les coups…] Cette fois, cependant, Jean s’est préparé à trouver le bon candidat ! Il identifie les valeurs centrales de son service : l’honnêteté, l’intégrité, l’esprit d’équipe, le souci du client et l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Les compétences managériales essentielles pour ce poste sont la capacité à motiver ses collaborateurs, à construire une équipe et à savoir gérer les situations délicates. Jean sait que le candidat idéal sera la personne possédant toutes ces compétences. Ensuite, il prépare sa fiche d’entretien et retient trois questions qui pourront l’aider à faire son choix :


   1. “Racontez-moi un incident professionnel au cours duquel vous avez été tout à fait honnête, alors qu’il n’y avait qu’un pas pour tomber du côté de la malhonnêteté.”


   2. “Comment avez-vous géré dernièrement une situation où la direction indiquée par votre hiérarchie n’était pas claire et que les paramètres changeaient en permanence.”


   3. “Expliquez-moi comment vous avez réussi à motiver un groupe de personnes pour qu’elles acceptent de faire quelque chose qu’elles refusaient de faire.”

 

« Ces questions sont difficiles. Mais chacune fera l’objet d’une discussion plus ou moins approfondie entre Jean et les candidats, permettant ainsi d’évaluer leurs valeurs et leurs compétences managériales. Comme ces questions sont ouvertes, il est impossible d’y répondre par oui ou par non.


« En outre, elles renseignent sur les compétences comportementales, car elles obligent les candidats à faire référence à leur propre expérience. »

 

Les questions proposées dans cet exemple sont bien adaptées aux compétences souhaitées. Vous pouvez vous en inspirer pour déterminer vos propres questions.

 

Vous allez donc vous faire votre propre opinion. Mais seul, vous risquez d’embaucher un clone ou de vous tromper. Il est donc important de demander à quelques-uns de vos collaborateurs de voir les candidats, afin qu’ils vous donnent leur opinion. « Plusieurs avis valent mieux qu’un ! »


Vous pouvez également compléter ces entretiens par des tests de personnalité, mais il faut savoir les interpréter… Si vous êtes passé par un cabinet de recrutement ou un organisme officiel chargé de l’emploi, ces tests auront certainement été faits.

 

 

Revenons à Jean.

« Jean pose d’autres questions pour essayer d’en savoir plus ; il prend des notes afin de ne pas oublier certaines réponses clés ou les suppositions qu’il fait au fur et à mesure. Bien évidemment, il interroge également les candidats sur des points techniques pour vérifier leur expertise. Enfin, il étudie ses notes et les résultats aux tests pour repérer des zones d’ombre éventuelles qu’il devra approfondir lors des seconds entretiens. »


Il est important de mettre le maximum de choses par écrit, pendant et également juste après l’entretien, lorsqu’on a encore en mémoire ce qui s’est passé.

 

« Jean compare les postulants en les notant sur une échelle de 1 à 5 (1 si une compétence fait défaut et 5 si elle est solide) pour chacun des critères qu’il estime nécessaires pour réussir à ce poste :

      -    les compétences techniques [savoir-faire] ;

      -    les compétences managériales [savoir-être et savoir-faire]

      -    les valeurs [savoir-être]. »

 

Il manque dans cette liste les savoirs. Même si ces savoirs ne sont pas mis en pratique tous les jours, leur acquisition permet de comprendre ce qui est fait. Par exemple, un manager ayant des connaissances en psychologie comprendra mieux les réactions de ses collaborateurs.

 

« Pour juger les candidats, il relit ses notes et évalue :

      -    le degré de sincérité de chacun ;

      -    l’enthousiasme et l’intérêt montrés pour ce travail ;

      -    le niveau probable de compétences. »

 

« Bien qu’il n’existe pas d’entretien ou de recrutement entièrement objectif, cette méthode permet à Jean de prendre la décision la plus impartiale qui soit. Il proposera le poste au candidat qui, selon lui, satisfait le plus de conditions requises. »

 

Mais nos auteurs abordent un point délicat : et si aucun candidat ne correspond ?


 

Bannissez le recrutement par défaut

 

« Si jamais aucun d’entre eux ne semble à la hauteur, Jean est prêt à tout recommencer avec d’autres postulants. Il a appris de ses erreurs passées qu’une recrue médiocre coûtait trop cher. »

 

C’est vrai, mais le candidat idéal n’existe pas. Et pour un candidat ne correspondant pas tout à fait, mais correspondant quand même un peu au poste, il n’est pas facile de décider s’il faut l’embaucher ou refuser et refaire un nouveau tour de piste.

 

Beverly Kaye et Sharon Jordan-Evans ne nous éclairent pas trop sur ce point. Elles se contentent de nous mettre en garde contre le « recrutement par défaut » : « Quand les candidats sont peu nombreux et que vous avez besoin de pourvoir le poste immédiatement, vous pouvez être atteint du dangereux syndrome du “recrutement par défaut”. […] Si vous êtes sur le point de recruter par défaut, souvenez-vous qu’une erreur de recrutement aujourd’hui est un problème demain. Vous savez combien il est difficile de débarrasser votre équipe d’une mauvaise recrue. »

 

Si vous êtes dans ce cas, faites-le au “filling”. Vous pouvez également demander le “filling” de vos collaborateurs. Si vous ne “sentez” pas le candidat, ne l’embauchez pas, il y a de grandes chances pour que ce soit un mauvais choix, même s’il est le “moins mauvais” de tous les postulants. Par contre, si vous le “sentez” bien, alors, allez-y.

 

Il peut arriver aussi qu’il y ait pénurie de certains profils. Dans ce cas, mettez de côté les compétences techniques (savoir et savoir-faire) et misez sur le comportemental (savoir-être). Vous formerez techniquement le candidat retenu. Par contre, il vous faudra plus de temps avant qu’il soit opérationnel.


 

Les candidats aussi choisissent…


Nous venons de voir le cas idéal dans lequel vous cherchez et les candidats n’attendent que votre proposition de poste. Mais les bons candidats sont courtisés par de nombreuses entreprises. Je ne parle pas des “vedettes” que certaines entreprises s’arrachent à la manière des joueurs de foot. Non, je parle de candidats “normaux”, mais avec de bonnes compétences techniques et comportementales.


« Vous ne devez pas oublier que, de nos jours, les candidats talentueux et très compétents sont bien préparés et reçoivent de nombreuses propositions. Imaginez qu’ils arrivent avec une grille à l’esprit (même parfois sur une feuille). »


Vous devez donc vous préparer « à vendre votre société ou votre équipe aux candidats quand vous répondrez aux questions clés qu’ils soulèveront. Traitez-les davantage comme des clients que comme des collaborateurs. Réfléchissez sérieusement à ce que vous et votre équipe pouvez leur offrir et donnez des exemples précis. […] Mais attention à ne pas en faire trop. »


Au risque que votre nouvelle recrue ait l’impression de tenir le rôle de la comptable ayant choisi l’enfer…

 

A suivre.

Publié dans Nouveau job

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