Passer le relais à son successeur

Publié le par Bernard Sady

Il vous arrivera certainement dans votre carrière de changer de poste ou d’entreprise. Si la nouvelle prise de fonction n’est jamais facile, le passage de témoins à son successeur n’est pas non plus toujours aisé.

Un dossier de Fabien Renou dans le Journal du Net fait le point sur cette dernière opération : "Comment passer la main à son successeur"

 

 

En voici les principaux conseils. Comme j’ai changé de nombreuses fois de postes et d’entreprises en 25 ans de carrière, j’ajouterai les fruits de cette expérience.

 

Annoncer le plus tôt possible son remplacement

Fabien Renou explique : « Préparer au mieux l'arrivée de son successeur suppose d'abord de réussir son départ. Et pour cela, mieux vaut soigner la manière dont l'équipe apprend cette succession. » Effectivement, un départ, ça se prépare…

« L'idéal est d'annoncer le remplacement le plus tôt possible. "J'ai vu des équipes vivre très mal le fait d'être prévenues au dernier moment, se rappelle Rémi Juët, formateur consultant chez Imago Management et auteur de La Boîte à outils du manager. Cela génère beaucoup d'états d'âme et d'interrogations chez les collaborateurs." »

Pour ma part, j’ai tout connu : l’annonce du changement le matin même de l’arrivée du successeur et en sa présence, jusqu’à l’annonce six mois à l’avance.

En fait, il n’y a pas d’idéal. Tout dépend de la situation.

Si c’est un changement sans aucun problème, il est effectivement préférable de l’annoncer assez tôt, mais deux mois avant l’arrivée du successeur me semble un grand maximum. Et l’important est  qu’il y ait un successeur désigné. Il n’y a rien de pire pour les équipes de ne pas connaître leur prochain chef.

Si c’est un changement à problème, (licenciement ou mise à l’écart pour faute ou incompétence du chef), il est préférable de ne pas l’annoncer trop tôt. Au contraire, dans ce cas, l’annonce au dernier moment avec la présentation du successeur montre que la situation est sous contrôle. De toutes manières, si un chef est incompétent, les équipes en sont conscientes et n’attendent qu’une chose : son remplacement.

Un point particulier : le départ en retraite. L’annonce doit se faire dans ce cas, le plus tôt possible (3 à 6 mois avant le départ et dès que le remplaçant est connu). Car toute l’équipe connaît en général la période de départ du chef. Une annonce au dernier moment donne une impression d’improvisation.

Notre auteur voit un avantage à l’annonce précoce : elle « permet aussi de court-circuiter les rumeurs. Cela évitera les spéculations inutiles à la machine à café, susceptibles de plomber l'ambiance du service. »

Oui, mais c’est encore pire si il n’y a pas de solution de remplacement…

Ensuite, il faut expliquer les raisons du départ. Pas toujours facile… Mais il vaut mieux être clair. Si c’est une réelle promotion ou une démission pour un meilleur poste dans une autre entreprise, c’est en général assez facile à expliquer. Si c’est à la suite d’un échec, c’est moins évident… Il faut éviter l’hypocrisie, mais on peut toujours avoir demandé à changer de service…

Autre point important sur lequel notre auteur attire très justement notre attention : « Si le remplaçant est issu des rangs de l'équipe, mieux vaut avoir préparé le terrain pour éviter des jalousies. Un entretien préalable avec chaque candidat légitime pour prendre le poste peut permettre de désamorcer les tensions. Lors de ces tête-à-tête, il est plus facile d'argumenter son choix, d'expliquer sur quels critères un collègue a été préféré. »

C’est effectivement un point à ne pas négliger. Mais même pour un remplaçant venant de l’extérieur, il est souvent utile de faire le point avec les éventuels candidats à la place. Normalement, un chef sait quels sont ses collaborateurs qui visaient sa place. Les entretiens individuels servent à ça…

 

Faire des présentations positives

Une fois le départ expliqué, il faut présenter son successeur.

Fabien Renou explique : « Pour être acceptée, la succession doit être comprise. Le rôle du manager sur le départ est de justifier son choix en présentant son remplaçant comme sous son meilleur jour. "L'important, c'est de ne rien dire de négatif sur le successeur, insiste Rémi Juët. Il faut tenir des propos uniquement positifs, sans que cela ne deviennent laudateur." Un seul point noir glissé dans un portrait élogieux et cette ombre au tableau sera la seule chose qui sera retenue. »

Il ajoute : « Ceci est particulièrement important si le successeur vient d'une autre entreprise ou d'un autre service. S'il est inconnu, il arrivera avec une image positive. S'il est précédé d'une mauvaise réputation, il est toujours possible de mettre en avant des qualités, quitte à les mettre en contraste avec ses propres défauts. Par exemple : "je suis désorganisé, mais lui sera très carré". »

Ce n’est pas toujours le partant qui choisit son successeur, mais plutôt les N +… Donc, ce n’est pas toujours facile pour le partant d’expliquer le choix du remplaçant.

Si c’est une personne venant de l’extérieur et qui est inconnue de l’équipe, il suffit de se limiter à ce qu’a fait la personne : d’où elle vient et les postes qu’elle a tenus. Comme le dit Fabien Renou, elle arrivera en général avec un a priori positif.

Si c’est une personne interne qu’elle ait une bonne cote ou non, il n’est pas nécessaire de s’appesantir ni sur ses qualités, ni sur ses défauts… L’équipe les connaît en général…

Par contre, Fabien Renou ajoute : « Devant son remplaçant aussi, il faut aussi savoir garder sa langue. Là encore, il faut éviter à tout prix de pointer du doigt les défauts de ses collaborateurs. Cela préviendra les jugements prématurés. »

Je ne suis pas du tout en accord avec cette recommandation. Il est bon de présenter les membres de son équipe avec leurs qualités (et donc les collaborateurs sur lesquels le nouveau va pouvoir s’appuyer en toute confiance) et leurs défauts (donc les collaborateurs avec lesquels il faudra qu’il soit vigilant). En particulier, si dans votre équipe, vous avez un “sale con” dont vous n’avez pas (encore) pu vous séparer, il est très important de le signaler. Bien sûr, vous n’allez pas donner tous les défauts et qualités de vos collaborateurs dans leurs moindres détails, mais les principaux, ceux qui peuvent jouer des sales tours au nouvel arrivant. Car l’effet de surprise doit être à l’avantage de votre remplaçant. Cela évitera des gaffes qui peuvent être rédhibitoires. Et l’équipe ne se fait pas d’illusion : elle sait très bien que ce genre de “consignes” passe entre les managers…

Ensuite, bien sûr, le nouveau chef se fera sa propre idée.
 

Détailler le nouvel environnement

Ensuite, il convient de « préparer son successeur à ses nouvelles fonctions. Le remplaçant doit prendre son poste avec une vision claire des missions du service : le service commercial doit-il en priorité prospecter de nouveaux clients ou bien fidéliser le portefeuille actuel ? Plus précisément, le rôle et la spécialité éventuelle de chacun des membres de l'équipe doivent être portés à sa connaissance. "Il est aussi très important que le nouveau responsable connaisse les promesses d'augmentation, de promotion ou encore de nouvelles missions qui ont déjà été faites" prévient Rémi Juët. Cela évite de provoquer des déceptions sans les comprendre. »

En effet, même si beaucoup de choses ont été dites lors des entretiens d’embauche, il est important de bien cadrer le nouveau responsable.

Fabien Renou ajoute : « Le manager en poste doit par ailleurs transmettre une vision claire de l'environnement de son service, tant vis-à-vis de la concurrence que vis-à-vis des autres services de l'entreprise. "Il importe aussi de faire l'historique du service, voire de l'entreprise, insiste Rémi Juët. Il faut expliquer ses rituels opérationnels et informels." Cela peut aller de la réunion hebdomadaire programmée tous les vendredi matin à 9h30 au traditionnel barbecue du mois de juin organisé chez l'un des collaborateurs. Par la suite, le successeur peut très bien décider de bousculer ces habitudes, mais mieux vaut le faire en connaissance de cause. »

Oui, cela fait partie des “consignes” à se transmettre.
 

Travailler à deux, avant voire après le départ

Enfin, Fabien Renou aborde un des points les plus délicats : le passage effectif du témoin. « Une fois le changement de tête annoncé, difficile de faire comme avant. Difficile, surtout, de conserver toutes ses responsabilités alors que ses jours sont comptés. Bien souvent, il est plus simple de se cantonner à la gestion des affaires courantes, de ne pas lancer de grands changements qui engageront son successeur sur la durée. Mais parfois, cela n'est pas possible. "Si l'on est obligé de prendre une décision importante, par exemple budgétaire, il faut au maximum impliquer son successeur pour qu'il y prenne part conseille Rémi Juët. Le nouveau venu ne doit pas avoir à assumer des choix qu'il ne partage pas ou dont il ne maitrise pas tous les tenants et aboutissants." »

Oui, mais notre auteur néglige ou oublie des points très importants.

D’abord, il ne doit y avoir qu’un seul chef en même temps. Il doit y avoir une date précise à laquelle le nouveau chef prend réellement les rênes. Au même moment, l’ancien n’a plus aucune autorité sur le service. Il est bon que ce moment soit symboliquement marqué. Par un changement de bureau par exemple.

Ensuite, il est préférable que la passation de pouvoir se fasse très rapidement et que le temps de recouvrement (présence commune du partant et de l’arrivant) soit court : un mois maximum. Il peut y avoir par exemple 3 semaines de mise au courant. A la fin de cette période, c’est l’arrivant qui devient le chef. Et ensuite une semaine de soutien de la part de l’ancien. Mais lors de cette semaine, l’ancien doit se faire de plus en plus discret. En particulier, si le successeur commence à imprimer son empreinte, le partant doit éviter de réagir, même s’il n’est pas d’accord, car il n’est plus le chef. Il peut tout au plus faire part des risques encourus.

Dernier conseil de Fabien Renou : « Une fois parti, rien ne vous empêche de continuer à prodiguer des conseils à votre successeur. S'il découvre certaines problématiques une fois en poste, votre expérience peut toujours se révéler utile et rien n'interdit à votre successeur de vous passer un coup de fil. Mais Rémi Juët met en garde. "Cela ne doit fonctionner que dans un sens. C'est une erreur d'appeler son ancien service pour savoir si les choses se passent bien. La position doit être claire et sans ambigüité." Il faut donc aussi accepter de passer la main. Et partir du principe "pas de nouvelles, bonne nouvelle." »

Là, je suis complètement d’accord. Un fois parti, le manager doit rester à la disposition de son successeur. Mais l’expérience montre que le successeur demande rarement d’aide. Ce qui montre que la passation s’est bien faite.

Il est également important de ne pas conserver de contacts avec ses anciens collaborateurs, car il ne faut pas interférer dans la gestion de son remplaçant.

Il m’est arrivé une fois de recevoir un appel de mes anciens collaborateurs pour se plaindre de mon remplaçant. Je les ai rassurés et je suis intervenu discrètement auprès de mon remplaçant. Les choses se sont ensuite améliorées. Mais c’est l’exception qui confirme la règle…

Publié dans Nouveau job

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Commenter cet article
J
<br /> Bonjour Bernard,<br /> Excellente idée la confrontation d'idées entre Fabien Renou et vous, les points de désaccord sont bien argumentés, sans réduire à rien l'ensemble des conseils de M. Renou comme dans les piètres<br /> débats si fréquents sur notre Toile.<br /> La présence du "sale con" est bien cernée comme il se doit, et il n'est pas question de l'occulter au remplacant...<br /> Se faire léger en tant qu'ancien en voie de départ, c'est le choix de l'ntérêt général contre son propre égo. Vieux combat intérieur, non dénué de noblesse.<br /> Ce serait bien que ce billet serve dans une future transmission, pour prévenir des troubles qui hélas semblent le lot commun du fonctionnement de beaucoup d'entreprises, la brutalité des<br /> changements doit entraîner des coûts cachés et des dégâts moraux qu'il est inutile de rappeler ici.<br /> <br /> <br />
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B
<br /> Bonsoir Jean-Michel,<br /> <br /> Merci de la mise en avant des points importants de cet article.<br /> Il est vrai que si le passage de témoin se faisait dans des conditions normales, il y aurait moins de problèmes dans les entreprises...<br /> <br /> <br />