Le SMIC : trappe à pauvreté...

Publié le par Bernard Sady

Le salaire minimum est en application depuis plus de 50 ans dans notre pays et semble un de ces piliers sociaux qu'il n'est pas question de remettre en cause.

Un article très intéressant de Marc Amblard dans les Echos du 27 août 2008 vient cependant expliquer que ce pilier qui devait procurer un revenu décent à chaque salarié est en fait un remède qui « devient un mal » : « Le salaire minimum légal a vu le jour en France en 1950 lorsque le gouvernement décida que chaque salarié devait bénéficier d'un revenu décent. Profondément remanié en 1970, ce salaire plancher est devenu le SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance), revenu indexé permettant à tous de participer au développement économique du pays. »

Résultat ? « Près de soixante ans plus tard, force est de reconnaître que le dispositif n'a pas atteint son but. »
C'est le moins qu'on puisse dire.

L'argumentation est pertinente : « Le marché du travail est le lieu de rencontre entre une offre de travail émanant des salariés et une demande de travail par les entreprises. De cette rencontre et pour une qualification donnée se dégage un prix d'équilibre : le salaire. Dès lors, si l'autorité publique impose une rémunération minimale supérieure au salaire tel qu'il se dégage du libre jeu de l'offre et de la demande, il est à craindre que les employeurs, dans un souci d'efficacité économique, préfèrent ne pas embaucher voire se séparer de leurs employés insuffisamment productifs. La demande est donc contenue. Parallèlement, un niveau de salaire artificiellement élevé encourage l'offre de travail, attirant de nouveaux salariés sur le marché. Il en résulte un excès croissant de l'offre sur la demande de travail, c'est-à-dire du chômage. En d'autres termes, une entreprise ne sera incitée à recruter que si l'employé lui rapporte davantage que le niveau de salaire imposé par la réglementation. Le SMIC devient alors générateur de chômage en rendant inemployables les travailleurs dont la valeur ajoutée est trop faible. »

C'est d'une logique implacable dans le système libéral et capitaliste dans lequel nous vivons.

Et les résultats suivent de manière toute aussi implacable : « La politique menée en France depuis plus d'un demi-siècle s'appuie pourtant sur l'idée qu'en augmentant les bas salaires on réduira mécaniquement la pauvreté et les inégalités de revenu. Cet objectif louable débouche hélas sur l'effet opposé : la fixation d'une rémunération plancher écarte du marché de l'emploi les travailleurs les moins qualifiés, donc les moins productifs, entraînant par là une baisse de leur revenu et un accroissement de la pauvreté. »

D'où les Centres pour handicapés et toutes les structures sociales comme Emmaüs pour « occuper » tous ces exclus du marché libre du travail. Certaines entreprises utilisent les services de ces Centres (travaux d'entretien des espaces verts, petits travaux de conditionnement, etc.) dans lesquels les rémunérations sont largement en dessous du SMIC... Mais tous les exclus du travail ne peuvent être intégrés dans ces Centres. L'alternative est le RMI... et souvent la rue...

La conclusion de Marc Amblard : « La fracture sociale dénoncée par les politologues français trouve ainsi sa cause non pas dans les salaires bas mais dans le chômage. Celui-ci anéantit souvent toute perspective d'intégration économique et sociale pour les individus qui en sont frappés, à commencer par ceux sans qualification, les jeunes à la sortie de l'école et les parents isolés. Rappelons aussi qu'en 2008 les trois pays les moins inégalitaires d'Europe, la Finlande, le Danemark et la Suède, n'ont toujours pas instauré un salaire minimum légal. L'Allemagne, l'Autriche et l'Italie non plus. Nous, Français, préférons l'exclusion par le chômage à un petit revenu d'activité. »

Et ces exclus ne sont pas tous dans les statistiques du chômage... Beaucoup en sont ... exclus...

Un travail, même faiblement rémunéré, permet l'intégration sociale, ce que n'avaient pas vu ni prévu nos décideurs de 1950. Et ce sont les diverses allocations complémentaires prises en charge par la communauté (y compris les entreprises) qui devraient permettre à toutes ces personnes de vivre dignement. Le RSA en est un bon exemple et pourrait parfaitement s'appliquer en complément à un salaire  horaire inférieur au SMIC. Je reviendrai sur ce RSA, car il me semble intéressant, même s'il présente déjà des inconvénients.

Mais le SMIC est un de ces symboles auxquels il est interdit de toucher... même si le résultat en est désastreux...

Publié dans Economie

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