Avertissement : Lettre ouverte du LEAP aux membres du G20

Publié le par Bernard Sady

Comme il l'avait annoncé, le LEAP vient de publier dans le Financial Times une "Lettre ouverte aux dirigeants du G20".

 

 

Après avoir rappelé que le LEAP « dès Février 2006 avait annoncé l'imminence d'une "crise systémique globale", Franck Biancheri Directeur des Etudes de LEAP/E2020, explique le but de cette lettre ouverte : « indiquer brièvement pourquoi il en est ainsi, et comment éviter cela. »

L'avertissement est direct : « Cette crise s'aggrave dangereusement. Récemment, à l'occasion de la 32° édition de son bulletin, LEAP/E2020 a ainsi lancé une alerte très importante qui vous concerne directement, vous les dirigeants du G20 : si, réunis à Londres le 2 Avril prochain, vous n'êtes pas capables d'adopter des décisions audacieuses et innovantes en vous concentrant sur l'essentiel, et d'entamer leur mise en oeuvre d'ici l'été 2009, alors la crise entrera à la fin de cette année dans la phase de "dislocation géopolitique généralisée" qui affectera tout autant le système international que la structure même des grandes entités politiques comme les Etats-Unis, la Russie, la Chine ou l'UE. Et vous ne contrôlerez alors plus rien pour le malheur des six milliards d'habitants de notre planète. »

 


Ensuite, il explique que ce qui a été fait jusque là n'a été que "cautère sur jambe de bois" : « Hélas, comme rien ne vous a préparé à affronter une crise d'une telle ampleur historique, jusqu'à présent, vous ne vous êtes occupés que des symptômes ou des causes secondaires. Vous avez pensé qu'il suffisait d'ajouter de l'essence ou de l'huile au moteur mondial, sans vous rendre compte qu'il était tout simplement cassé, sans espoir de réparation. C'est un nouveau moteur qu'il faut construire. Et le temps presse car chaque mois qui passe détériore un peu plus l'ensemble du système international. »


Et il met le G20 face à un terrible dilemme : « A Londres, le 2 Avril prochain, vous aurez ainsi le choix entre résoudre la crise en 3 à 5 ans d'une manière organisée ; ou bien au contraire, entraîner la planète dans une décennie terrible. »


Il ne s'arrête pas là et propose trois conseils.



1. Nouvelle devise internationale de référence.


Après avoir expliqué que « la clé de la crise actuelle se trouve dans la réforme du système monétaire international hérité de l'après-1945 afin de créer une nouvelle devise internationale de référence » et que « le Dollar américain et l'économie des Etats-Unis ne sont plus en mesure d'être les piliers de l'ordre économique, financier et monétaire mondial. », il fait sa proposition : « il s'agit de créer une devise de référence internationale (qu'on pourrait appeler le "Global") fondée sur un panier de monnaies correspondant aux principales économies de la planète, à savoir le Dollar US, l'Euro, le Yen, le Yuan, le Khaleel (monnaie commune des états pétroliers du Golfe qui sera lancée au 1° Janvier 2010), le Rouble, le Real, ... et de faire gérer cette devise par un « Institut Monétaire Mondial », dont le Conseil d' Administration reflète les poids respectifs des monnaies composant le "Global". »


C'est ce qu'a proposé la Chine lundi dernier. Les Echos rapportent : « La Chine a appelé à l'adoption "d'une monnaie de réserve internationale stable", pour remplacer le dollar, jugeant que la crise financière demandait "une réforme créative du système monétaire international actuel".
« Dans un communiqué sur le site
internet de la Banque centrale, une semaine avant la tenue du G20, le gouverneur de cette institution Zhou Xiaochuan explique que la crise a mis en évidence "les faiblesses inhérentes du système monétaire international actuel".
« Elle a aussi reflété la nécessité d'avoir une monnaie de réserve internationale "déconnectée des nations individuelles", de leurs enjeux intérieurs, et "capable de rester stable sur le long terme", a écrit M. Zhou dans ce texte publié lundi. »

Ce à quoi Obama, Geithner et Bernanke, avec un ensemble parfait, se sont empressés d'apporter une fin de non-recevoir. Selon Les Echos : « les autorités américaines ont défendu mardi le rôle du dollar comme référence du système monétaire mondial, opposant une fin de non-recevoir à la proposition chinoise de créer une nouvelle monnaie de réserve internationale. »


Mais cette proposition fait du chemin et DSK s'y met : « Le directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn a jugé mercredi "légitimes" les discussions sur une nouvelle monnaie de réserve internationale pour remplacer le dollar, suggérée par la Chine, estimant que le débat pourrait avoir lieu "dans les mois qui viennent". »


La crainte, c'est que pour que le G20 montre une "façade unie", ce point sera évacué. Il sera (peut-être) repris quand il sera trop tard...

Venons-en au deuxième conseil.



2. Contrôle des banques


Ce « devrait être aisé à adopter. Il s'agit de mettre en place d'ici la fin 2009 un système de contrôle des banques à l'échelle mondiale qui supprime tout "trou noir". Plusieurs options vous sont déjà proposées par les experts. Tranchez dès maintenant. Nationalisez au plus vite quand il le faut ! C'est en tout cas le seul moyen de prévenir un nouvel endettement massif des établissements financiers comme celui qui a contribué à la crise actuelle ; et de montrer aux opinions publiques que vous êtes crédibles face aux banquiers. »


Hélas, il ne semble pas que ce soit la voie ouverte par le "plan de reprise des actifs toxiques" de Geithner...



3. Evaluation des systèmes financiers US, britannique et suisse


Même si ce conseil est "politiquement incorrect", « il est indispensable que le FMI remette au G20, au plus tard, en Juillet 2009, une évaluation indépendante des trois systèmes financiers nationaux au coeur de la crise financière : ceux des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la Suisse. Aucune solution durable ne pourra en effet être efficacement mise en oeuvre tant que personne n'a la moindre idée des ravages causés par la crise dans ces trois piliers du système financier mondial. Et il n'est plus temps de "prendre des gants" avec des pays qui sont au coeur du chaos financier actuel. »

 


En conclusion, Franck Biancheri conseille au G20 de publier un "communiqué simple et bref" afin de « restaurer la confiance chez 6 milliards de personnes, et des dizaines de millions d'institutions publiques et privées ».


Et il termine aussi fort qu'il avait commencé : « Sachez simplement, que selon LEAP/E2020, vos peuples respectifs n'attendront pas plus d'une année pour vous juger. Une chose est néanmoins certaine : cette fois-ci vous ne pourrez pas dire que vous n'avez pas été prévenu ! »


Compte tenu de ce qui s'est dit et écrit ces derniers jours, de la lettre hautaine d'Obama (« Les Etats-Unis sont prêts à assumer leur leadership, et nous appelons nos partenaires à se joindre à nous, conscients de l'urgence et soucieux de l'objectif commun »), au énième refus de l'Europe de faire plus en matière de relance malgré la pression américaine, en passant par les déclarations "infernales" de Topolanek, premier ministre tchèque et président en exercice de l'UE (« Je crois que les Etats-Unis ne se sont pas engagés dans la bonne voie »), il ne m'apparaît  pas du tout évident que le G20 arrive à une unité de vue sur la crise et les mesures à prendre...


Mais un miracle est toujours possible...
 

Publié dans Economie

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