Les Etats Généraux de l'Entreprise : la déception générale

Publié le par Bernard Sady

Il y a quelques jours, j’ai commenté le discours de Nicolas Sarkozy, clôturant les Etats Généraux de l’Industrie, le 04 mars dernier à Marignane.


J’ai fait part de ma déception, mais je ne suis pas le seul.


Dès le 4 au soir, Pierre-Olivier Rouaud, écrivait un article sur le site de L’Usine Nouvelle :« Les deux faces du président des usines ».

 

Il disait que « pour qui s’intéresse à l’avenir de notre industrie il y a deux façons, également justes, d’interpréter le discours de Nicolas Sarkozy, prononcé ce jeudi à Marignane en clôture des Etats généraux. La première est le contentement, la seconde la déception.

 

« Pour le contentement, quel industriel, quel responsable syndical, ne pourra se féliciter des mots du chef de l’Etat. Si celui-ci à, a son habitude, forcé le trait ou s’est souvent inventé des ennemis imaginaires, ses propos n’en demeurent pas moins marquants, en ce qu’ils mettent en scène l’industrie dans le débat public. "Je suis convaincu que la France n’aura pas de croissance durable sans une industrie forte" a martelé le chef de l’Etat chez Eurocopter. Donc acte. Surtout qu’il a n’a pas hésité à rappeler les faiblesses de notre appareil productif : innovation insuffisante, déficit d’investissements, perte de compétitivité. Des réalités cruelles, surtout comparées à la situation que connaît notre grand partenaire l’Allemagne qui depuis dix ans fait systématiquement mieux que nous. » 


C’est un peu juste de se féliciter de quelques mots martelés par le chef de l’Etat au sujet de l’industrie…


Et donc le contentement va être de courte durée…


En effet, après avoir rappelé les quelques propositions de Nicolas Sarkozy, Pierre-Olivier Rouaud se pose la question fondamentale : « Mais cela fait-il une politique industrielle ? »


Et il en vient à « la déception » : « Derrière le volontarisme affiché, la lecture attentive du discours du chef de l’Etat laisse sur sa faim. »


Tout à fait d’accord.


Continuons la lecture : « Il y a bien sûr la pérennisation de certains dispositifs déjà en vigueur notamment le Crédit d’impôt recherche, (“jamais je ne toucherais à la politique massive de soutien à l’innovation que j’ai construite”, dixit Nicoals Sarkozy). De même le remboursement anticipé du CIR aux PME va être maintenu.


« Pour le reste les mesures nouvelles ou concrètes tiennent en quelques points. Parmi celles-ci une prime à la relocalisation (200 millions d’euros issus du grand emprunt), la création d’un médiateur de la sous-traitance ou la mise sur pied de comités stratégiques dans chaque filières dotés de 300 millions d’euros (issus, là encore, du grand emprunt) pour soutenir les fonds propres des entreprises.


« Le point commun a presque toutes ces idées : c’est qu’elles ne coûtent rien ou sont déjà financées dans le cadre du grand emprunt tel le soutien promis aux investissements verts pour 500 millions d’euros.  Une manière d’acter une triste réalité : les caisses de l’Etat sont vides. Ce qui fixe bien les limites de la nouvelle politique promise. Le temps n’est décidemment plus aux grands projets pompidoliens ! »


C’est même pour cela qu’il n’y a pas de politique du tout… C’est dommage, car même avec des caisses pratiquement vides, Nicolas Sarkozy aurait pu fixer une ligne, donner des orientations, et recentrer les maigres dépenses possibles sur ces orientations. Quand on veut trouver de l’argent, c’est toujours possible : il suffit d’annuler quelques dépenses complètement inutiles et les réaffecter sur ce qui est prioritaire.


Ce n’est pas d’un banquier ou de “restos du cœur” dont l’industrie a besoin, mais d’un leader qui montre le chemin.


Je termine la citation de l’article de Pierre-Olivier Rouaud : « Reste enfin les grands sujets internationaux dont Nicolas Sarkozy s’est emparé avec sa fougue habituelle et en pointant un doigt vengeur : réforme du système financier international (“un nouveau Bretton Woods”), définition d’un politique industrielle européenne appel à la taxation du carbone aux frontières de l’Union ou le renforcement du dispositif anti dumping de l’Union européenne (autant de messages pour Herman Von Rompuy et José Manuel Barroso).


« En bon soldat Christine Lagarde est appelé au front pour défendre la plupart de ces dossiers à Bruxelles ou dans le cadre du G20. »


Et il a encore raison de conclure : « Mais là, il faudra plus qu’un discours volontariste pour faire bouger les lignes. »



Ce même jour, L’Usine Nouvelle a recueilli certaines « réactions des personnalités de l'industrie »


C’est également très mitigé.


La plupart des chefs d’entreprise sont comme Pierre-Olivier Rouaud, à moitié contents et à moitié déçus : contents car on parle de l’entreprise et déçus car ce n’est pas une politique et qu’il y a des manques.


Par exemple, « Jean Mounet, président de Syntec informatique : “ C’est très bien que le Président de la République se préoccupe du développement des entreprises industrielles françaises.” […] “ Mais nous attendions l’annonce d’un crédit impôt innovation, qui n’a pas été faite.” »


Ou encore, « Frédéric Bedin, président de CroissancePlus : “Le président de la République a évoqué plusieurs initiatives intéressantes, en particulier la taxation forfaitaire des revenus tirés des brevets. […] J’attendais des annonces plus précises sur le financement des entreprises de croissance. Le président de la République a annoncé des initiatives pour orienter davantage l’épargne, et notamment les fonds de l’assurance vie, vers l’industrie. Mais il ne dit rien sur l’amorçage, le point le plus critique pour nous.” »

C’est le même constat chez les syndicalistes.


Par exemple, « Mohamed Oussedik secrétaire confédéral de la CGT (en charge de l’industrie) : “C’est très décevant, là où on attendait une politique industrielle, on ne voit que des mesures pour les industriels.”

Les Etats Généraux de l’Entreprise auraient pu être une occasion de relever et faire redémarrer l’industrie en France. Il semble que ce soit une occasion ratée.


Bientôt, on n’en parlera plus.


Dommage...

Publié dans Stratégie

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