Petit, réactif et innovant contre éléphant devenu mammouth…
Le fait que le marché de Galileo, le GPS européen, ait été remporté par une petite entreprise allemande début janvier n’a pas fait la une des journaux.
Pourtant, au moment où les Etats Généraux de l’Entreprise s’achèvent, c’est une leçon importante que cette PME allemande donne à l’industrie française…
Philippe Escande le note dans le blog des Echos du 26 janvier dernier : « Industrie : pourquoi la France perd pied »
Alors que le gouvernement cherche à « relocaliser », Philippe Escande explique que « ce n’est pas comme ça que ça marche : la réalité, qui figure d’ailleurs dans le rapport des états généraux, c’est que la France perd pied par rapport à l’Allemagne depuis vingt ans et que ce n’est pas à cause des aides ni même du coût du travail ou des charges ! »
Il précise : « Ce recul est essentiellement dû à deux facteurs qui se répondent et qui sont bien connus. D’une part, la faiblesse de la France dans le domaine du haut de gamme, de l’innovation. Ce qui est tout de même un comble pour le numéro un mondial du luxe. Et d’autre part, l’insuffisance de PME dynamiques, innovatrices et exportatrices. Leur proportion est de moitié inférieure à celle de l’Allemagne. »
Pourquoi cette différence ? « Nos dirigeants vouent un culte à la grosse entreprise qui doit tout écraser sur son passage. » Y compris son personnel, comme chez France Telecom…
Et Philipe Escande en vient à « la récente affaire Galileo, le GPS européen. » En effet, « EADS croyait avoir fait table rase de la concurrence et considérait comme acquis ce contrat de plus de 500 millions d’euros auprès de l’agence spatiale européenne. Et puis dans la dernière ligne droite, il vient de se faire battre par une PME allemande venue de nulle part. »
Les avantages de cette PME ? « Plus réactive, plus innovante et surtout beaucoup moins chère. »
Et alors « que l’on croyait [ce secteur] réservé aux grosses structures », « cette société ne s’est lancé dans ce métier complexe qu’il y a moins de vingt ans et n’a décroché son premier gros contrat qu’en 2001. La société est familiale, emploie 1.500 personnes et sous traite l’essentiel de sa production à d’autres partenaires locaux. »
Philippe Escande conclut : « C’est ce genre d’entreprises qu’il faut pour dynamiser un tissu industriel et le renouveler. Pas des éléphants devenus mammouths à force d’avaler des concurrents. » Oui, et c’est encore une preuve que c’est la structure qui détermine les comportements. La structure du capitalisme allemand est très favorable aux PME qui forment un tissu industriel faisant l’admiration et l’envie de nombreux pays, la France en premier…
Si vous voulez en savoir plus sur cette PME allemande, vous lirez avec intérêt le très bon article de Jean-Philippe Lacour dans Les Echos du 28 janvier 2010 : « Espace : l'incroyable défi lancé par le petit OHB au géant EADS »
Mais il faut en revenir au problème français : pourquoi n’avons-nous pas un tel tissu industriel et pourquoi la France se désindustrialise-t-elle ?
Avant de voir ce qu’en ont dit les “Etats Généraux de l’Industrie”, je vous livre un commentaire polémique, mais néanmoins pertinent de l’article de Philippe Escande :
« L’impérialisme des grandes entreprises.
« J’ai commencé plusieurs commentaires pour tenter d’analyser les causes de notre faiblesse en nombre et en puissance des PME, et j’ai finalement tout effacé car je pense qu’il en existe une principale, dont on ne parle jamais. Les journaux étrangers font leurs choux gras de la “monarchie politique” française, qui ne date d’ailleurs pas de notre actuel Président même s’il en donne une caricature qui appelle les quolibets.
« Cette dérive n’existe pas qu’en politique : j’ai suffisamment d’expérience des grandes entreprises françaises, et depuis longtemps, pour affirmer qu’elles sont sans doute les plus impérieuses et protectionnistes du monde. Un concurrent progresse : on le rachète quitte à l’éradiquer ensuite ; c’était le cas, par exemple, de Saint-Gobain après la guerre qui, concurrencé dans le tube de fonte, avait racheté une entreprise de fibro-ciment, ce qui leur vaut aujourd’hui quelques problèmes avec l’amiante (j’ai travaillé pour les deux entreprises).
« Un sous-traitant est performant ? Au lieu de lui laisser un peu d’air pour qu’il le devienne encore plus, on l’exploite à mort (littéralement) ou, s’il est récalcitrant, on le fait passer par un sous-traitant de premier rang. J’ai même vu mieux : un sous-traitant président d’une chambre de commerce qui avait déplu à la plus grosse entreprise du coin se voit retirer toutes ses commandes et dépose le bilan … et bien sûr démissionne.
« Les banquiers, c’est certain, ne sont pas en reste : plus c’est gros, plus c’est beau, et ils prêtent allègrement aux méga entreprises même si elles sont déjà endettées au-delà du raisonnable … too big to fail, sans doute. La grande distribution n’est pas en reste, et le petit entrepreneur n’a plus qu’une solution : tenter de se tenir à l’écart des gros machins … galère assurée pour un résultat qui ne l’est pas du tout.
« J’ai un jour fait des propositions d’aménagement à un grand musée technique que je connaissais de longue date et démarré une étude pour la réalisation de laquelle j’avais commencé à contacter des sous-traitants éventuels. Heureusement, j’ai compris assez vite que j’avais en face de moi une grande entreprise nationale genre Véolia et je me suis sauvé à toutes jambes, n’ayant pas les moyens de « fluidifier » là où il fallait …
« Je pourrais multiplier les exemples d’impérialisme des grandes entreprises et, avec la “crise” et le sauvetage en catastrophe de leurs marges et dividendes, ce n’est pas près de s’arranger … Ah ! J’oubliais ! Notre Etat non moins impérieux se fout bien des PME, même s’il fait parfois semblant de s’en préoccuper (c’est le néo-libéralisme compassionnel), et les collectivités locales ne sont en général pas mieux : Le chef-lieu du Territoire de l’Effort a fait il y a quelques années aménager des places avec des pavés … chinois.
« Total et EDF s’excitent sur le solaire et l’éolien : pour les développer ou les éradiquer ? Quoiqu’on pense de ces techniques, nous achetons des éoliennes aux Allemands et scandinaves … bientôt aux Chinois ? Allez, vous en reparlerez dans dix ans, dans vingt ans, dans cinquante ans … s’il existe toujours une France qui ne ressemble pas trop à la Corée du Nord … quant à moi, d’ici là, j’irai taper mes commentaires désabusés en enfer, si toutefois on y a le droit d’apporter son portable … »
A suivre…